pierre-buyoya-rfi-oifM. Jean-Claude KARIBUHOYE, le rédacteur en chef du site web  ARIB.INFO félicite à sa manière le cri de colère de Mme Marguerite Barankitse dit Maggy. Cette dernière a osé dire tout haut ce qu’elle pensait de l’ancien dictateur Pierre BUYOYA…  Ainsi  M. Jean-Claude KARIBUHOYE  titre son article :  “Candidature de Buyoya à l’OIF : Mais où sont donc passés les Bagabo ?”.
Le terme “Bagabo” est assez particulier en kirundi, c’est comme si l’on disez où sont passés “les vrais hommes” en bon français. Cette vieille expression burundaise a pour origine une région qui se situait autrefois sur les abords du Lac Victoria  “le Mugabo”. Apparemment les Barundi appréciaient “le courage” des citoyens de cette région d’où l’expression d’Abagabo …
M. Jean-Claude KARIBUHOYE voit en la personne de Mme  Marguerite Barankitse dit Maggy, une femme avec un courage “de vrais hommes” dans la tradition burundaise. Voici l’intégralité de l’écrit de M.  Jean-Claude KARIBUHOYE que nous publions :

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Burundi : Une femme dit tout haut ce que ses concitoyens murmurent tout bas
[ @rib News, 16/09/2014, Par Ir Jean-Claude KARIBUHOYE, Rédacteur en Chef de l’ARIB.INFO ]

Candidature de Buyoya à l’OIF : Mais où sont donc passés les Bagabo ?

 

Depuis l’annonce, il y a plusieurs mois, de la candidature de l’ancien président burundais Pierre Buyoya (photo) au poste de Secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), aucune personnalité de renom, ni aucun organisme national ou international, n’avait jusqu’ici oser exprimer ouvertement son opposition à cette candidature, alors même que de très graves accusations pèsent sur la tête de cet homme : putsch sanglant, exécutions en masse, assassinats d’opposants, camps de regroupement forcé, crimes de guerre, crimes contre l’humanité, etc.

Alors que l’omerta semblait l’emporter, c’est une voix de femme qui est venue briser le silence assourdissant de la classe politique dans son ensemble, de la « société civile », des médias et autres organismes de défenses des droits de l’Homme, pour crier à la face du monde l’indignation de tout un peuple, en appelant un chat un chat. Buyoya à la tête de l’OIF : « Ce serait récompenser un criminel !», a lancé Marguerite Barankitse, vendredi sur les ondes de RFI. Et Vlan !

Jusqu’ici très connue pour sa bonté du cœur et sa générosité, à travers ses œuvres caritatives et humanitaires, Marguerite Barankitse dit « Maggy », celle qu’on appelle communément la « Maman du Burundi » ou la « Mère Theresa du Burundi », vient de prouver qu’elle a surtout du courage. Car il en faut beaucoup pour oser critiquer ouvertement Pierre Buyoya, que bon nombre de ses compatriotes n’osent même pas désigner par le nom, usant le plus souvent de sobriquets tels « Major », pour son grade militaire, ou « Gustave », en référence à ce géant crocodile mangeur d’hommes qui a semé la terreur pendant 10 ans au Burundi sur les bords du lac Tanganyika et de la rivière Rusizi.

Ainsi, la terreur des années sombres du régime Buyoya semble encore tétaniser les Burundais et personne n’ose se mettre en travers son chemin. Peu de voix pour s’élever contre lui, ouvertement du moins. C’est donc sans coup férir que l’ancien faiseur de guerre s’est bâti une réputation de démocrate et apôtre de la paix à travers le monde et particulièrement sur le continent africain.

C’est ainsi qu’il va se retrouver à la tête de plusieurs missions de médiation de l’Union africaine (UA), dans de pays en crise à travers le continent. Il a notamment travaillé sur des missions au Soudan et en Centrafrique. Aujourd’hui, l’ancien dictateur burundais est représentant spécial de l’UA pour le Mali et le Sahel. C’est donc un ancien pyromane qu’on envoie comme pompier, une manie bien de chez nous.

Tout auréolé par sa nouvelle stature, Pierre Buyoya voit grand et se lance à l’assaut de la présidence de l’OIF. Pour cela il lui a d’abord fallu obtenir l’aval de l’actuel chef d’Etat burundais, puisqu’être présenté par son pays est une condition indispensable pour être retenu. A la stupeur générale, la candidature de Pierre Buyoya fut officiellement adressée au siège de l’OIF par le Gouvernement de Pierre Nkurunziza, l’homme qu’il a fait condamner à mort par contumace à défaut de pouvoir le liquider sur le champ de bataille.

« Quand deux pierres se rencontrent jaillit la lumière » s’était exclamé Pierre Nkurunziza à sa première rencontre avec Pierre Buyoya, lors des pourparlers de paix sous l’égide de l’Afrique de Sud. Selon plusieurs sources, de cette lumière va naître un pacte de soutien mutuel que les deux Pierre auraient depuis scellé, avec un partage des rôles bien précis : une main mise sur le pays pour l’un et une carrière internationale pour l’autre.

Mais la candidature de Buyoya se heurte aux réticences de plusieurs pays de la Francophonie qui ne veulent pas d’un Secrétaire général ayant accédé au pouvoir à deux reprises par des coups d’Etat. Buyoya va alors entamer des tournées dans différentes capitales, avec l’appui du Gouvernement Nkurunziza, pour justifier ses prises de pouvoir par la force, prétendant être intervenu dans un contexte historique pour « empêcher une très grave crise, un bain de sang, voire un génocide. »

A chacun de ses déplacements, les chancelleries burundaises sur place ont pour ordre de se mettre à son service pendant son séjour et de lui faciliter la tâche dans ses contacts avec les autorités des pays visités. Les ambassadeurs s’exécutent, la mort dans l’âme pour certains.

Il faut dire que l’appui de Nkurunziza pour la candidature de Buyoya à l’OIF a contribué à élargir un peu plus la fissure idéologique au sein du parti au pouvoir CNDD-FDD. La majorité des « Bagumyabanga » ne décolèrent pas. Beaucoup se demandent comment Nkurunziza a pu oublier le sang des martyrs tombés sur le champ de bataille lors de la guerre de libération contre l’oligarchie de Buyoya. La raison d’État a des raisons que la raison des droits de l’Homme ne connaît pas.

Si certains « frondeurs » au sein du parti présidentiel tirent à boulets rouges sur Buyoya, mais le plus souvent anonymement, via l’un ou l’autre médium du Net contrôlé par le pouvoir, Nkurunziza est jusqu’ici parvenu à faire taire toute contestation à ce sujet au sein du parti. L’actuel numéro Un burundais est convaincu que Buyoya, devenu Secrétaire général de l’OIF, se chargera de défendre son troisième mandat auprès de la communauté internationale.

En attendant, une machine bien huilée de propagande tourne depuis en plein régime, orchestrée par des fidèles du major Buyoya, qu’il a su placer dans plusieurs institutions internationales. Objectif : présenter une face lisse du major ex-président, loin de la personnalité cruelle que ses compatriotes connaissent si bien et redoutent encore.

Un dispositif de communication d’envergure internationale a été mis en place. Sa campagne est plutôt réussie et efficace, il faut dire qu’elle est assurée par une boîte de professionnels spécialisés. Presse écrite, radio, télé, site web en ligne, Buyoya passe partout dans les médias étrangers. Au Burundi, c’est le calme plat, silence radio ou presque. La majorité choisissant de se taire, par peur ou résignation. Peut-être les deux à la fois.

Que le parti au pouvoir CNDD-FDD ait oublié son idéal originel et vendu son âme au diable, c’est triste mais compréhensible de la part de ses membres devenus de simples godillots. Mais que l’ensemble de la classe politique burundaise et de la société civile ne réagisse pas à cette provocation, car cela en est une, c’est inadmissible et révoltant. C’est ce que « Maggy » vient d’avoir le courage de dénoncer publiquement.

Car en effet, comment comprendre que l’opposition ne soit pas encore sortie de sa léthargie pour s’exprimer sur le sujet. Les « orphelins » politique et autres « héritiers » idéologiques de Ndadaye trouvent la force de s’entredéchirer, mais sont inscrits aux abonnés absents lorsqu’il s’agit de se mobiliser pour riposter à une telle gifle en pleine figure. Une gifle lancée à chaque Burundais et une gifle pour la crédibilité du Burundi.

Comment expliquer que les médias privés, dits « indépendants », en général très généreux en commentaires et analyses dès qu’il s’agit de critiquer les agissements du pouvoir en place, peuvent-ils se montrer plutôt réservés dans ce cas-ci ? Habituellement ultra prolifiques, les éditorialistes sont restés quasi muets sur le sujet. L’impression finale pour le public est celle d’un Buyoya qui fait peur jusque dans les Rédactions.

Comment imaginer que les associations dites de défense des droits de l’Homme, habituellement si promptes à réagir dès que le pouvoir fait un faux pas, puissent se taire face à pareille candidature ? L’emprisonnement au Burundi d’un éminent défenseur des droits humains mobilise en ce moment les organismes de la société civile, à juste titre. Mais la mémoire des victimes de Buyoya n’a-t-elle pour eux aucune importance ? Il semble qu’il y ait des dossiers qui dépassent leur FORSC.

Comment comprendre que des organismes tels Amnesty International ou Human Rights Watch n’ont-ils pas encore alerté le monde pour rappeler les crimes dont est accusé Buyoya et dénoncer sa candidature à la tête de l’OIF ? A leurs yeux, les atrocités d’un Hussein Habré sont-elles plus graves que celles subies par les victimes burundaises des régimes successifs de Buyoya ? On dirait qu’il y a pour eux des causes plus nobles que d’autres.

« Ahari abagabo ntiharwa ibara ! », dit-on dans le pays. Alors où sont donc bien passés ces vaillants Bagabo et autres intègres Bashingantahe ? Car ne voilà-t-il pas que c’est la voix d’une femme qui devient la voix des sans voix au Burundi ! Merci « Maggy » ! Vous êtes la première qui ait osé dire tout haut ce que vos pauvres concitoyens murmurent tout bas. Votre courage suffira-t-elle pour réveiller les consciences et laver la honte qui risque de s’abattre sur tous ? Rien n’est moins sûr.

« Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire ! » dixit Albert Einstein.

Pour La Rédaction

Jean-Claude KARIBUHOYE, ReC

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