RAPPORT POLITIQUE, MINISTERE DE L’INFORMATION

CABINET DU MINISTRE

Le Ministre de l’Information,  NDAYAHOZE  Martin.

N° 093/100/CAB/68
Objet : Rapport Politique

 

                                                                                                         A Monsieur le Président

                                                                               de la République du Burundi 

                                                                                                           à Bujumbura

Monsieur le Président,

 

Conformément à la politique du nouveau régime de confronter nos vues et de conjuguer nos efforts pour réaliser les idéaux de la révolution, j’ai l’honneur d’émettre quelques commentaires sur la situation politique du pays.

 

Le climat politique accuse une certaine tension. Des bruits de coup d’Etat et des incendiaires circulent et tourmentent l’opinion publique. La population s’inquiète, se méfie et veille.

 

Fort heureusement, des meetings d’information et d’apaisement organisés par le Ministère de l’Intérieur et le parti ramènent peu à peu la quiétude dans les esprits.

 

Si l’on analyse la cause de cette petite crise qu’on vient de passer, on remarque un refroidissement des rapports entre citoyens qui peut se développer en une haine raciale.

 

En effet, il existe aujourd’hui des manières et des façons non cartésiennes d’aborder les problèmes chaque fois qu’ils se posent. Les suspicions sont devenues “à sens unique”. Et ceci s’explique à la longue parce que les diffuseurs des faux bruits développent toujours le même thème : la récidive de 65. Alors ce thème diaboliquement répandu dans la population provoque le réflexe de défense et devient “le péril hutu” réclamant “une lutte pour la survie”.  Résultat, on constate une vigilance pré-orientée qui guette et traque les mêmes cibles. Et une ethnie est sujette à des suspicions permanentes, chaque hutu devenant nécessairement raciste et subversif.

 

Si l’on se réfère à la vie courante, on relève vite ce regrettable état de choses. En effet, aujourd’hui quand deux ou trois Hutu se rencontrent pour trinquer un verre, on conclut tout de suite à un complot de subversion. Alors l’imagination féconde des esprits malicieux tisse une épopée autour du fait; et voilà une crise qui jette la masse dans la stupeur!

 

Si un Hutu monte pour visiter ses parents à l’intérieur, les autorités provinciales sonnent l’alerte et le filent indiscrètement et sans façon. Après son départ, elles organisent des interrogatoires pour toutes les personnes visitées, orchestrent des rumeurs diffamatoires et montent des complots de tactique pour simuler des incidences fâcheuses de sa visite. Et souvent des arrestations arbitraires s’ensuivent. Résultat, il y a des gens qui n’osent plus aller chez eux pour ne pas exposer leurs parents à des machinations torturantes.

 

Essayons d’éclaircir la situation en dénonçant les tactiques, les pratiques et les esprits en présence.  C’est peut-être le seul moyen de sauver l’unité en péril.  Car nos sermons et l’état actuel des choses démontrent la vulnérabilité des principes quand on les oppose aux passions.

 

La situation empoisonnée actuelle prouve l’existence d’un racisme hutu-tutsi dans nos murs. Du côté hutu, on compte des théoriciens d’une vraie démocratie à instaurer. Ceux-ci constatent que la structure administrative jusqu’en ses échelons les plus modestes est tutsi et condamnent le népotisme conscient ou inconscient qui résulte de ce monopole. En plus de ces incriminations, ils s’insurgent contre les tyrannies et les injustices facilitées par cette forte homogénéité ethnique dans l’administration de l’Etat.

 

Face au principe tutsi d’autodéfense, les Hutu trouvent que les Tutsi ont inventé des thèses du “péril hutu” et de la “lutte pour la survie” pour créer des occasions de les torturer et de prolonger ou perpétuer leur domination.

 

C’est ainsi, disent-ils, qu’on jette la terreur dans la masse, qu’on oriente des suspicions préconçues aux Hutu devenus nécessairement racistes et subversifs, qu’on les guette, qu’on leur attribue des complots invraisemblables et qu’on les mine moralement et physiquement par des malices diaboliques.

 

On parle même d’un “apartheid” tutsi qui se prépare! Voilà l’histoire: une organisation raciste tutsi possède un programme d’action dont Simbananiye Arthémon serait l’auteur. Le programme vise l’instauration d’un certain “apartheid” au Burundi. Sa réalisation s’opérerait en trois étapes.

 

  1. Semer la haine entre les ethnies en noircissant fortement quelques hauts intellectuels Hutu;
  2. 2.Vous faire disparaître physiquement pour plonger le pays dans la confusion et la colère;
  3. Tablant sur les faux bruits déjà en circulation, crier haro sur les Hutu pour récidive de 65.

 

Alors il ne restera plus qu’à lancer une répression sanglante sur des cibles choisies d’avance et à se montrer très actif dans l’épuration criminelle pour réclamer le pouvoir comme rançon de son zèle. Après ce coup de balais, l’apartheid règnera au Burundi et le “péril hutu” sera anéanti à jamais.

 

La position hutu se définit essentiellement par cette peur, ces incriminations et ces revendications. Le Hutu regrette en outre son absence dans les organes de vigilance (la sûreté et la justice) et son accession difficile aux postes de confiance.

 

Mais, à mon avis, tous les Hutu, sauf certains qui sont à l’étranger et qui doivent justifier l’argent reçu des forces du mal, ne réclament que de vivre en paix et de bénéficier de la justice. Quant aux droits à recouvrer, je crois que tous confient cette mission au jeu de l’histoire dans une compétition loyale. Le mythe d’incendiaires et des subversifs qu’on leur attribue s’explique uniquement par l’adage : “Qui veut noyer son chien l’accuse de rage“.

 

Aussi lorsqu’il y a une petite crise à caractère racial, il faudrait beaucoup d’impartialité, beaucoup d’exigences pour apprécier la valeur des renseignements et arriver à des conclusions justes de l’enquête. Et on devrait bannir la manie de coffrer les gens avant que leur culpabilité ne soit établie; car l’innocent qui y passe croit tout de suite à la complicité des organes de vigilance dans l’injustice endurée.

 

Ceci est vrai puisque souvent des esprits chagrins mus par des rancunes ou des inimitiés personnelles fomentent une crise et s’arrangent avec des faux témoins pour faire coincer leurs ennemis personnels. Autre chose qui contribuerait à assainir les méthodes de répression, serait de sévir contre les faux témoignages et les faux renseignements. Car aujourd’hui, pour en avoir plus ou moins souffert tous, nous savons qu’il y a des gens qui s’évertuent à diffamer et à noircir des honnêtes hommes. Il est étonnant de constater qu’aucune répression ne se fait de ce côté et qu’on se plait plutôt à se laisser prendre dans leur piège, alors que ces gens-là sont responsables des crimes que nous vivons trop souvent.

 

Aussi longtemps que toutes ces précautions et ces mesures ne seront pas prises, un fossé est en train de se creuser et une haine s’installe dans nos populations.  L’unité que nous chérissons tous est donc au prix de la justice.

 

Du côté tutsi, beaucoup ont cru à la force du “péril hutu” et s’organisent en défensive ou en offensive. L’exemple rwandais les hante et le coup de 65 les raffermit dans leur position. Il en résulte des méfiances et des suspicions envers tout geste hutu. Et il se crée tout le climat dont les Hutu se plaignent.

 

En conclusion, comme l’a constaté le conseil du Cabinet du 12 avril 68 dernier, nous nous trouvons en face d’un faux problème mais qui risque de devenir un vrai. Car ceux qui dénoncent le “péril hutu” cherchent par ce truchement de haine à servir leurs ambitions personnelles ou à se maintenir à des places acquises indûment, comme ceux qui parlent des droits à recouvrer veulent se hisser à tout prix à des postes convoités (ou sont à la solde des étrangers). Ce que veut le peuple, c’est le pain, la paix et la justice, le reste faisant l’objet d’une concurrence loyale. Cependant si le problème n’est pas traité adéquatement et impartialement pour que la sauvegarde de l’unité soit une conviction appliquée, il deviendra un vrai problème qui compromettra notre Révolution.

 

Il nous faut donc maintenant prêcher par la parole et par l’exemple pour sauvegarder et raffermir l’unité monolithique de tout le peuple murundi sur les plans politique et idéologique. C’est alors, et alors seulement que se créera l’ambiance propice au rayonnement de la Révolution et où l’enthousiasme politique et l’ardeur au travail de tout le peuple s’élèveront d’une façon extraordinaire dans tous les domaines de la reconstruction nationale.

 

 

                                                                                                       Le Ministre de l’Information

                                                                                                              NDAYAHOZE  Martin.

SOURCE :  http://burundi-agnews.org/plansimbananyearthemon.htm

News Reporter
Informations sur le Burundi depuis 1996