Les burundais aiment épandre leurs sentiments, à défaut de s’astreindre à la rigueur de la logique. Parce que la logique porte à la vérité, et beaucoup de burundais n’en veulent pas. Tenez, il ya quelques temps j’avais écrit un article dans lequel je prévoyais logiquement qu’au sein des médias il y avait ou des infiltrés des bandes armées ou des collaborateurs proches. Motif : il est impossible de savoir à coup sûr l’appartenance politique de chaque personne arrêtée, à moins qu’on ne fasse partie du groupe. L’arrestation d’un journaliste d’Isanganiro démontre que le raisonnement était logique.
Un exemple de raisonnement illogique que les responsables des médias avancent pour justifier pourquoi ils tendent les micros aux criminels : « nous avons aussi tendu le micro au CNDD-FDD quand il était dans le maquis ». Ca semble logique mais cela ne l’est pas. Parce que le CNDD-FDD n’était pas le criminel ; le criminel est celui qui avait assassiné le Président Ndadaye et la Démocratie. Il ne faut jamais confondre le voleur de vaches et le propriétaire qui le poursuit pour récupérer son bien. Même raisonnement quand ils essaient de présenter pour vérité les déclarations des criminels attrapés. Il y a un principe bien connu : « qui peut le plus peut le moins ». Un criminel qui a à peine abattu de sang froid des gens (de surcroit ses bienfaiteurs, comme dans le cas de Kiremba), éprouve-t-il quelque remords à dire un mensonge, qui est en comparaison une brindille ? Les burundais ne le disent pas eux-mêmes quand ils déclarent : « ntawukama amata mu matako y’igihori » (on ne trait pas de lait d’entre les cuisses d’un criquet, càd, une personne minable n’a rien à offrir, encore moins la vérité). Mais combien de reportages ont été construits sur le sable mouvant des déclarations des assassins ! Avec la claire intention de les défendre. Aux USA, ce n’est pas parce que les Démocrates gagnent les élections que les Républicains se transforment en amis de Al Quaeda, ou vice versa. L’ennemi de la nation, le terroriste, le criminel l’est pour tous.
Beaucoup de (jeunes) commentateurs sur le web voudraient qu’au Burundi il y ait un soulèvement pareil au « Printemps Arabe ». Ils disent « soulevons-nous comme un seul homme !». L’analyse comparative de notre passé avec celui des autres peuples nous montre que le Burundi a déjà vécu son « Printemps » entre 1990 et 2005 . Qui était au pays l’a bien vu. C’était le Peuple contre l’Ancien Régime, si l’on se réfère à l’histoire française. Et croyez-moi, c’est rare, qu’un pays vive deux fois un évènement de cette envergure en un siècle. Les français ont eu leur Révolution en 1789, les anglais ont eu la leur avec l’exploit de Cromwell en 1642 , les américains se sont mesurés avec les armes en 1861-1865.
De soulèvement populaire au Burundi, il n’y en aura pas, parce que ce que le peuple voulait il l’a obtenu : le respect, le vote, l’instruction de ses fils, les soins de santé, la construction des routes, etc. Quand l’opposition et la « Société Civile » s’égosillent à parler de détournements, le peuple rit : « c’est une querelle entre élites, nous nous vivons de notre sueur, hier comme aujourd’hui. Ikigega conza uwacuriye ». C’est un sujet pour lui sans importance, d’autant plus que l’Ancien Régime n’a pas été plus vertueux. Au contraire. Si le peuple avait été plus choyé par les régimes passés au point que la situation actuelle représente une détérioration, alors le discours de la « Société Civile » et de l’opposition porterait ses fruits. Mais quand les plus vieux savent combien les anciens gouvernants, qui se sont reconvertis en « Société Civile » malmenaient sadiquement le peuple quand ils gouvernaient, alors l’on ne peut donc pas s’attendre à une adhésion massive à leurs discours. Et ils le savent bien. Deux conséquences : leurs discours sont adressés plus à la Communauté Internationale qu’au peuple Burundais parce qu’aux étrangers ils peuvent mentir aisément et ils y gagnent de l’argent ; ensuite, ils veulent contourner le peuple en utilisant la force, pour arriver au pouvoir.
Une idée lumineuse de la bouche du Sénateur Ntibantunganya, qui pourrait créer la convergence : dialoguer en vue des élections de 2015 ; ce serait magnifique, puisque la pierre d’achoppement se trouve sur le mandat actuel. Quand le Président Nkurunziza a dit récemment qu’il fallait commencer à préparer les échéances de 2015, certains ont ricané. Et pourtant, si l’opposition était plus sage et ne s’obstinait pas à vouloir à tout prix renverser les institutions démocratiques (ce qui cabre évidemment le gouvernement), le futur du pays à partir de 2015 serait un bon sujet au menu des entretiens entre partis politiques de toutes les tendances, même en dehors du fameux forum.
Par M. Munda Séverin, Publié le Dimanche, 11 Décembre 2011. –