Campagne pour la libération d'Hassan Ruvakuki
Campagne pour la libération d’Hassan Ruvakuki                                           @Photo Iwacu-Burundi.org

Selon M. Kazirukanyo Martin, la libération d’Hassan Ruvakuki risque de prendre un peu plus de temps…    Voici sa pensée sur la question : 

La déception de ceux qui se battent pour la libération d’Hassan Ruvakuki se dessine à l’horizon.   Par M. Kazirukanyo Martin

Pour Jean-Luc Marret (Les Fabriques du jihad, Puf, 2005), le vrai défi des années à venir sera, pour l’Europe dans son en-semble, de repérer et de juguler des « cellules djihadistes autonomes (…). Surgissant spontanément par l’action de “facilitateurs” de toute nature (imams autoproclamés, “grands frères”, connaisseurs du “vrai islam”, etc.) (…), ces individus ou ces cellules ne reçoivent aucune consigne particulière émanant d’un quelconque guide ou groupe de dirigeants quant à l’organisation d’une attaque. » Ces microstructures, argumente-t-il, sont capables de monter
des attaques peu coûteuses et difficilement repérables. Fondues dans l’anonymat des poor districts, composées de membres venus d’horizons très divers, elles ne se rattachent plus à la coordination transnationale des franchisés d’al-Qaïda.

Si Marret, à travers cette observation, met l’accent sur l’Europe, malheureusement, force est de constater que ce phénomène prend des dimensions internationales et que certains pays d’Afrique deviennent de plus en plus des grands sanctuaires des dites cellules. Ce qui se passe au Mali est un cas flagrant qui laisse présager d’autres si les Etats Africains ne prennent pas leur responsabilité. C’est vrai que dans l’ordre politique mondial actuel où ces Etats se retrouvent dorénavant embourbés entre les pressions intérieures et extérieures pour asseoir les véritables réformes démocratiques et surtout renforcer les droits humains, ces cellules, profitant souvent des incertitudes émanant de ces pressions, en profitent. Personne n’ignore que, certaines revendications des Touaregs du Nord du Mali étaient quasiment légitimes, mais le fait que les djihadistes s’en ont appropriées pour amener le pays où il en est actuellement, suscite beaucoup d’interrogations et interpelle de la lecture que les médias font de l’analyse du développement de ces réformes et de ceux-là qui les exigent.

L’heure est venue pour les pays Africains d’éviter certaines distractions et d’adopter des mécanismes de prévention contre ce virus djihadiste, avant qu’il ne soit trop tard. Sinon rien ne prouve qu’ils puissent bénéficier de de la même générosité de la part de la France ou d’autres puissances étrangères pour leur venir au secours. Du côté de la communauté internationale, aucune menace terroriste n’est à prendre à la légère sous prétexte de telle ou telle considération. Plutôt que se laisser distraire par des ambitions politiciennes de certains acteurs politiques et civils dans certains Etats Africains, il faut désormais mettre sur place des mécanismes de coopération et ce, Etat par Etat car les réalités facilitatrices de la naissance et du développement de ces cellules sont aussi différentes. Au moment où les Nations Unies viennent de sortir un rapport sur la crise au Nord Kivu et où ils mettent en garde contre certains groupes qui seraient liées avec des mouvances djihadistes, en l’occurrence les Shebabs, qu’en est-il du Burundi, un pays actuellement cible de ces djihadistes suite à son engagement aux côtés de la communauté internationale dans la lutte contre le terrorisme (en Somalie et ailleurs)?

Effectivement, conscient de cet acharnement contre lui, le Burundi prend au sérieux toutes les menaces à sa sécurité quelles qu’elles soient et ce ne sont pas ceux qui sont décalés dans le temps et dans l’espace et/ou qui versent les larmes de crocodiles quand ils ne jouent pas aux pompiers pyromanes, qui vont tromper sa vigilance, la sauvegarde de la paix a aussi ses exigences de fermeté et d’actions contre les fauteurs de troubles éventuels. Les mesures préventives et l’anticipation restant de loin la manière la plus efficace dans un environnement continuellement troublé. L’arrestation de Hassan Ruvakuki, un salafiste burundais, qui, d’après certains services de renseignement nationaux et internationaux cherchait à faciliter (en brandissant sa carte de journaliste) la naissance d’une cellule des djihadistes au Burundi, témoigne à quel point les méthodes utilisées par les djihadistes sont complexes.

Nous lisons dans les média que depuis l’arrestation, le 28 novembre 2011, de Hassan Ruvakuki journaliste de la Radio Bonesha FM émettant depuis Bujumbura et en même temps correspondant pour la Radio France Internationale (RFI) en swahili, plusieurs langues se sont déliées pour condamner une « arrestation aux allures d’enlèvement ». 
Certaines par simple ignorance mais d’autres en connaissance de cause, pour dérouter ceux qui sont mal ou pas du tout informés. La rédaction de Nyabusorongo faisait savoir par la suite que Hassan Ruvakuki est non seulement membre du FRD – Abanyagihugu mais qu’il est parmi ses fondateurs, dans la commission Communication du mouvement. La présence d’ Hassan Ruvakuki, aux côtés des combattants du FRD – Abanyagihugu (Forces pour la Restauration de la Démocratie), n’était pas du tout un hasard. Il n’y était pas en sa qualité de Journaliste, mais tout simplement comme Chargé de la Communication de ce mouvement terroriste.

Les faits indiquent que jeudi le 17 novembre 2011 : Hassan avait demandé la permission à son Rédacteur en Chef.
Il devait, disait-il, se rendre à Kigali au Rwanda, au chevet de son père malade. Mais il n’y mettra jamais le pied. La preuve ? Aucun papier ne peut prouver qu’il a traversé une seule des frontières burundo-rwandaises à savoir Ruhwa, Kanyaru, Kanyaru haut ou Nemba. Il se rendra plutôt à Cankuzo, en compagnie d’autres membres de ce mouvement.
Il n’était pas en mission de service. Pour preuve, le directeur a.i. de la radio Bonesha FM Patrick Nduwimana l’avait annoncé lors d’une conférence de presse, précisant seulement que Hassan Ruvakuki était à son poste d’attache le lundi 21 novembre 2011. RFI non plus ne reconnaissait pas l’avoir envoyé en mission.

Hassan Ruvakuki avait donc participé, le samedi 19 novembre dans l’après-midi à une causerie morale des troupes du FRD – Abanyagihugu, le même jour où Pierre Claver Kabirigi s’était autoproclamé Chef d’Etat-Major de cette « nouvelle rébellion ». C’était de l’autre côté de la frontière burundo-tanzanienne Il était chargé de distribuer le soi-disant MEMO de la création du FRD – Abanyagihugu et de multiplier l’élément sonore de Pierre Claver Kabirigi, Kamanzi de son vrai nom. D’autres personnes avaient fait le déplacement en même temps qu’Hassan Ruvakuki.   Citons, en guise d’exemple M. Mvuyekure Ismaël alias Fétiche, Madame Christine, Madame Jacqueline Nijembazi qui fut Première Secrétaire d’ambassade du Burundi en Afrique du Sud et ancienne concubine de Hussein Radjabu , Monsieur Saidi qui a trouvé refuge à Dar-es-Salaam, Monsieur Karim Mibohe, Informaticien au Sénat du Burundi et qui prenait les images vidéo lors de cette causerie morale, etc. Non, non, non, Il n’est pas seulement journaliste mais il animait aussi le courant salafiste au Burundi.

Pour rappel, le salafisme est un mouvement sunnite revendiquant un retour à l’Islam des origines, fondé sur le Coran et la Sunna. C’est un mouvement composite fondamentaliste constitué en particulier d’une mouvance djihadiste.
Ils se perçoivent comme un mouvement de renaissance de l’islam, par un retour à la foi des origines, celle des « pieux prédécesseurs ». Ils rejettent tout ce qu’ils perçoivent comme des interprétations humaines postérieures à la révélation de Mahomet. Il s’agit donc d’un mouvement réformiste qui condamne à la fois les pratiques de l’islam populaire, accusées d’être des « superstitions », mais également une grande partie de la réflexion théologique. Les salafistes refusent également toute influence occidentale, en particulier la démocratie et la laïcité, qu’ils accusent de corrompre la foi musulmane. Les salafistes de cette tendance sont ainsi favorables au combat armé, afin de libérer les pays musulmans de toute occupation étrangère mais également de renverser les régimes des pays musulmans qu’ils jugent impies pour instaurer un État authentiquement islamique ou alors tout simplement étendre leur hégémonie dans le monde entier afin d’y appliquer la Charia.

Cela les conduit également à entreprendre des actions violentes à l’encontre des pays occidentaux perçus comme ennemis à leur cause, en particulier les États-Unis. Le djihadisme représente-t-il une menace ? Cette mouvance semble à même de fédérer de petits groupes d’individus en quête d’action pour exprimer des frustrations sociales ou politiques. La nature spontanée de ces groupes, issus de franges ultra-minoritaires des communautés musulmanes, les rend imprévisibles et potentiellement dangereux. A noter que bien qu’ instrumentalisé pour légitimer des objectifs de nature révolutionnaire, visant à instaurer une société musulmane homogène, l’Islam, en tant que religion n’a rien à voir avec phénomène djihadiste. Dès lors, comment concilier la déclaration universelle des droits de l’homme face à ces nouvelles actions politiques violentes et face à la vigilance des activistes défenseurs des droits de l’homme qui voudraient les promouvoir partout et en tout lieu, même là où les Etats sont aux prises avec des mouvements terroristes en gestation ou déjà opérationnels ?

Pour revenir au cas qui nous intéresse, si les services burundais habilités n’avaient pas neutralisé les troupes du FRD, dont la plupart des membres salafistes y compris Hassan Ruvakuki voulaient changer l’ordre des choses au Burundi, à l’heure qu’il est, des forces internationales seraient au coude à coude avec des terroristes djihadistes dans tout le pays. La lutte pour le pouvoir ne doit en aucun cas passer par la violence, ni moins par le soutien aux actions terroristes. La société civile burundaise et certains membres de l’opposition étaient et sont au courant des activités de Hassan Kavakuki, mais pour eux, comme tous les moyens sont bons pourvu qu’ils arrivent au pouvoir, leurs intérêts passent naturellement avant l’intérêt supérieur de la nation et surtout des menaces terroristes auxquelles le monde fait face aujourd’hui. Dans un monde moderne, il est vrai que certaines pratiques ne sont plus tolérées et que seul l’Etat de droit s’impose. Proclamons la liberté de la presse à commencer par celle des journalistes mais gardons- nous de fermer les yeux sur la réalité des dangers qui se cachent derrière cette liberté pour compromettre celle des autres. Complices ou ignorant, ceux qui s’acharnent contre la justice et le pouvoir actuel au Burundi pour exiger la libération immédiate de ce militant djihadiste seront tôt ou tard déçus de leur entreprise. Entre-temps, d’une part, la  vigilance s’impose pour sauvegarder les acquis de la paix et de la démocratie, et d’une autre part, la communauté internationale devrait continuer à appuyer les efforts du gouvernement burundais dans la lutte contre le terrorisme et les menaces que celui-ci présente.

M. Kazirukanyo Martin, 29 janvier 2013

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