Le sénat du Burundi lance l’évaluation des quotas ethniques : Entre tradition et géopolitique occidentale.
Gitega, 30/07/2023 – Ce lundi , l’enceinte solennelle du sénat du Burundi a retenti des voix des législateurs, lançant ainsi l’évaluation du système de quotas ethniques dans les sphères de l’Exécutif, du Législatif et du Judiciaire. Cette démarche répond à l’article 289 de la Constitution de la République du Burundi. La séance, d’une importance cruciale pour l’avenir du pays, sera retransmise sur les plateformes de la RTNB et du site officiel du sénat, senat.bi.
La question qui se pose devant les Barundi est d’une gravité sans précédent. Ils ont désormais le choix de rebâtir leur société sur les fondements de leur tradition millénaire, celle des Barundi, ou de continuer à s’appuyer sur une géopolitique occidentale ayant instauré un concept d’ethnie fictive qui a engendré des conflits et plus de 4,5 millions de victimes entre 1959 et 2003, connu sous le nom de génocide régicide du Burundi.
Traditionnellement, la société burundaise utilisait les termes “Hutu” [1] et “Tutsi” [2] pour décrire son système socio-économique. Les Bahutu, corps de production, et les Batutsi, corps des gestionnaires justes. Les Batutsi s’employaient à redistribuer équitablement les ressources, guidés par la planification élaborée par les Banyamabanga, les savants planificateurs – régulateurs et législateurs, agissant au nom du Mwami, le représentant choisi par les chefs des imiryango, les entités politiques burundaises.
Cette planification visait à répondre aux besoins de tous les imiryango barundi en prenant en considération les ressources disponibles, notamment la production des Barundi. Les surplus ainsi engendrés étaient utilisés pour des échanges entre les différents états, toujours dans l’optique de satisfaire aux besoins locaux.
Dans un dessein géopolitique, les colons belges ont altéré ces termes socio-économiques des Barundi pour en faire des concepts politiques et ethniques. Leur objectif était d’effacer les véritables entités politiques que sont les imiryango au sein de la société burundaise. Cela s’est concrétisé à travers deux réformes administratives coloniales belges : tout d’abord, en 1934, en classant les imiryango barundi en ethnies bahutu, batutsi, batwa [4], baganwa [5] et autres ; puis en 1959, par décret, en remplaçant les authentiques entités politiques burundaises – les imiryango – par des partis politiques, des entités totalement étrangères aux Barundi.
Au début des années 1960, lors de l’indépendance du Burundi, les États-Unis, le Vatican, la Belgique et la France, dans le but d’établir une économie de marché, orchestrèrent un génocide régicide entre 1966 et 1972, mettant ainsi fin à l’état traditionnel des Barundi, Ingoma y’Uburundi. Ce sinistre événement impliqua l’assassinat du Mwami, de nombreux Baganwa et un grand nombre de chefs des imiryango barundi. Parallèlement, ils œuvrèrent à supprimer le système économique traditionnel des Barundi en organisant le génocide contre les Bahutu Barundi en 1972-1973, visant les producteurs des ressources burundaises, qui satisfaisaient les besoins de la population.
En contrôlant la narration médiatique, ce groupe d’occidentaux propagea l’idée que ce crime contre l’humanité résultait d’un conflit politique ethnique (tribal) entre les Hutu et les Tutsi. Cette manipulation conduisit les victimes bahutu à cristalliser leur haine envers les Batutsi, puis vice versa, exacerbant ainsi les tensions.
Ces mêmes acteurs réussirent, après la guerre civile du Burundi de 1993 à 2003 [6], à préserver leur outil géopolitique – les ethnies Hutu/Tutsi – en les intégrant à l’Accord d’Arusha et en les institutionnalisant dans la constitution burundaise comme les entités politiques du pays.
Le monde entier a pu observer les conséquences de l’instrumentalisation géopolitique de ces entités fausses, Hutu et Tutsi, lors du génocide au Rwanda en 1994. Ainsi, pour le Burundi, l’intégration de ces classifications ethniques dans les institutions représentait et représente encore un piège géopolitique de type néocolonial. Cela risque de continuer à alimenter les divisions artificielles, menaçant la stabilité et l’unité du pays. Voilà ce que vont évaluer les sénateurs du Burundi.
Notes :
[1] umu/abaHutu – https://burundi-agnews.org/hutu/
[2] umu/abaTutsi – https://burundi-agnews.org/tutsi/
[3] umu/imiRyango – https://burundi-agnews.org/imiryango/ – Au niveau de l’Ubungoma, -ryango- est le rayonnement de l’energie du monde des sons ( cfr. couple Mukakaryenda/Karyenda, ingoma ) active à la création de notre monde. Une énergie portée par Imana. Une énergie pour une destinée ( une chance ) particulière. Des sons particuliers. Les imiryango sont des catégories portant des rayonnements distincts d’énergies avec des destinées particulières.
[4] umu/abaTwa – https://burundi-agnews.org/twa/ ; [5] umu/abaGanwa – https://burundi-agnews.org/ganwa/
Dans la tradition des Barundi, les Batwa,les Baganwa, les Batware, et le Mwami sont des institutions politiques de l’Etat traditionnel des Barundi – Ingoma y’Uburundi – mis en place en référence à l’Ubungoma des Barundi ( la cosmologie des Barundi ) . Ce sont des acteurs cosmocratiques.
Dans l’ubungoma, les batwa représentent l’orifice permettant aux vibrations du monde des sons ( cfr. le Couple Mukakaryenda/Karyenda, Ingoma – le Tambour – ) d’engendrer notre monde, notre univers.
Les Baganwa représentent eux l’energie du monde des sons ( cfr. couple MukaKaryenda-Karyenda ) permettant la création de notre univers.
Ainsi, sans les Twa et les Baganwa , l’Etat traditionnel des Barundi -Ingoma y’uburundi – ne peut exister.
[6] Le Burundi face à la GUAN – Globalisation Unipolaire Américaine Néolibérale – https://burundi-agnews.org/diplomatie/le-burundi-face-a-la-guan-globalisation-unipolaire-americaine-neoliberale/
DAM, NY, AGNEWS, http://burundi-agnews.org, Lundi 31 juillet 2023 | Photo : Inama Nkenguzamateka