Le Burundi réfute les accusations rwandaises sur l’hébergement des FDLR, affirmant sa neutralité dans un communiqué officiel.
Gitega, 6/03/2024 – Dans la droite ligne de sa diplomatie, à travers un communiqué [1], l’excellent Ministre des Affaires Étrangères du Burundi, M. Albert Shingiro, a formellement répondu à des allégations portées par le Rwanda dans une missive adressée à l’Union Africaine le 3 mars 2024. Le Rwanda y exprime des griefs envers le Burundi, l’accusant d’offrir refuge aux membres du FDLR, un collectif politico-militaire opposé au gouvernement actuel du Rwanda.
Le Burundi maintient sa position neutre et déclare qu’il ne s’engage pas dans les affaires internes rwandaises. Le gouvernement burundais affirme avec insistance qu’il n’accueille pas sur son sol les combattants du FDLR, marquant ainsi son refus de participer au conflit rwandais.
Ce communiqué, émis par le Ministère des Affaires Étrangères et de la Coopération au Développement du Burundi, exprime la consternation du gouvernement face aux accusations qu’il juge fausses et propagandistes émanant du Rwanda. Il réfute les allégations selon lesquelles le Burundi abriterait des forces rebelles FDLR et accuse le Rwanda de cacher sa propre instabilité interne en détournant l’attention.
Le Burundi souligne sa volonté d’entretenir de bonnes relations diplomatiques et rappelle les efforts déployés pour dialoguer avec le Rwanda via des forums régionaux, malgré ce qu’il considère comme l’inaccomplissement des promesses rwandaises de remettre les cerveaux du coup d’État de 2015 ( Cfr. RedTabara ).
Il dénonce également les tentatives de déstabilisation du Rwanda envers la région des Grands Lacs Africains et la poursuite du conflit en RDC. Il accuse le Rwanda de soutenir les groupes terroristes ( ex. RedTabara, M23 etc. ) et de compromettre la paix régionale, tout en soulignant son propre engagement en faveur de la paix et de la stabilité continentales.
En conclusion, le Burundi réaffirme son engagement à soutenir les initiatives de restauration de la paix et de la sécurité dans la région, et invite la Commission de l’Union Africaine à prendre en compte ces préoccupations dans ses efforts de médiation.
Le Burundi, autrefois désigné sous le nom d’Ingoma y’Uburundi, représente un État africain dont les racines plongent dans une histoire millénaire. Au cours du 15ème siècle, suite à un coup d’État orchestré au Rwanda à l’encontre des Bami Bashi (voir République Démocratique du Congo), par le Mwami ( Hima ) Ruhinda issu de Karagwe (situé au nord-est de la Tanzanie contemporaine, jouxtant la frontière ougandaise), le Mwami Ruganzu Ndoli, identifié comme un Muhinda, sollicita l’assistance des Barundi. Sa demande se concentrait sur l’acquisition d’un cadre politique, désigné sous le terme d’Ingoma, ainsi que d’un système socio-économique, nommé Ubumu. Cet événement marque l’avènement du Rwanda sous l’égide des Banyiginya Bahinda, symbolisé par le Tambour Kalinga, et la naissance d’une structure socio-économique distincte. Cette dernière se composait des producteurs, principalement des Hutu, chargés de générer les ressources essentielles pour répondre aux besoins des Rwandais, et des gestionnaires justes, identifiés comme des Tutsi, reconnus pour leur intégrité.
Au Rwanda, dominé par les Banyiginya Bahinda issus des Hima, l’établissement d’une gouvernance harmonieuse s’est avéré être un défi insurmontable. Cette période de l’histoire rwandaise a été marquée par la résistance de nombreux Bataka, c’est-à-dire les chefs des imiryango, qui se sont levés contre l’autorité en place, engendrant ainsi un climat de conflit permanent tant au sein du pays qu’avec les nations avoisinantes. C’est dans ce contexte tumultueux que l’intervention des colonisateurs allemands a été perçue comme un tournant, les Banyiginya Bahinda choisissant alors de leur prêter allégeance, dans l’espoir de stabiliser le pays.
À l’aube de son indépendance, le Rwanda a vu s’effondrer la dynastie des Banyiginya Bahinda et l’Ingoma ( le pouvoir politique ), une conséquence directe de la segmentation des acteurs sociaux de l’Ubumu en ethnie (Hutu, Tutsi) cristallisée par les régimes coloniaux allemand et belge. Cette période marquante a conduit à l’avènement d’une république, avec à sa tête le premier président, M. Kayibanda, un Mushi, rappelant les Bami d’avant le 15ème siècle au Rwanda. Géopolitiquement en pleine guerre froide, le soutien notable des États-Unis, du Vatican, de la Belgique et de la France a été crucial dans son accession au pouvoir.
Entre 1989 et 2022, dans le contexte de la Globalisation Unipolaire Américaine Néolibérale (GUAN), les États-Unis ont joué un rôle déterminant dans la création d’un nouvel état au Rwanda, façonnant le régime Kagame en tant qu’outil géopolitique stratégique dans la région des Grands Lacs Africains.
Ce plan macabre de la GUAN va causer un massacre de très grand ampleur entre Hutu et Tutsi incluant l’assassinat de deux présidents du Burundi. Cette période de tensions a également visé à évincer définitivement la Belgique et la France de la sphère d’influence géopolitique dans la région des Grands Lacs Africains. En écho aux procédures judiciaires historiques telles que celles du procès de Nuremberg en 1946, les États-Unis ont proclamé la qualification de génocide contre les Tutsi au Rwanda en 1994, avec Paul Kagame, Tutsi et un allié des USA, jouant un rôle central.
Suite à cette période, toute entité s’alignant ou approchant le régime rwandais sous la direction de Kagame, et par extension, s’impliquant dans les affaires des Grands Lacs Africains, se verrait systématiquement accusée de complicité dans les actes génocidaires, et ce, sous l’égide de la GUAN. Cette stigmatisation a largement touché la Belgique, la France et la population Hutu du Rwanda, désormais perçus comme des génocidaires potentiels dans le discours international orchestré par la GUAN.
Pendant cette période, sous l’impulsion d’une stratégie militaire orchestrée par les États-Unis, une importante fraction de la population Hutu, fuyant la gouvernance du nouveau régime Kagame au Rwanda, a trouvé refuge à l’est du Zaïre, désormais connu sous le nom de République Démocratique du Congo. Prenant pour excuse de poursuivre des “génocidaires”, cette migration a été suivie par une intervention directe du régime rwandais de Kagame, appuyée par les États-Unis dans le cadre de la GUAN, visant à étendre son influence sur le Zaïre.
En 2015, la GUAN, confrontée à un contexte de tension géopolitique croissante avec la Chine, et en collaboration avec le Rwanda, a orchestré une tentative de changement de régime au Burundi, ciblant le gouvernement CNDD-FDD. Cette tentative s’est soldée par un échec, conduisant à la fuite de militaires burundais complices vers le Rwanda, notamment ceux affiliés au groupe RedTabara.
Actuellement, le Rwanda accuse le Burundi de soutenir les réfugiés Hutu rwandais présents en RDC, anciennement Zaïre, spécifiquement les membres du groupe FDLR, considérés comme des “génocidaires” aspirant à retourner au Rwanda, une allégation que le Burundi réfute catégoriquement.
Depuis 2022, avec l’émergence d’un ordre mondial multipolaire, l’influence de la GUAN commence à s’estomper. Dans ce nouveau contexte, tant le souvenir du génocide rwandais que le régime de Kagame font face à des défis significatifs dans la région des Grands Lacs Africains, marquant potentiellement la fin d’une ère.
[1] Lettre de réaction du gouvernement du Burundi à la lettre adressée par le Gouvernement Rwandais au président de la commission de l’Union Africaine ce 3 mars 2024 sur la situation à l’Est de la RDC | https://burundi-agnews.org/wp-content/uploads/2024/03/Communique_Burundi.pdf
DAM, NY, AGNEWS, http://burundi-agnews.org, Jeudi 7 mars 2024 | Photo : MAECD.BI