La société civile congolaise appelle les forces loyalistes à renforcer la sécurité aux frontières poreuses avec le Rwanda et l’Ouganda.
Goma (RDC), 1/02/2024 – Au cœur de Goma, dans l’effervescence du territoire de Nyiragongo [1], une conversation captivante s’est tenue sur les ondes de “Congo Live TV”. Trois voix se sont levées pour raconter une histoire de vigilance et de patriotisme : M. Mambo Kawaya, président de l’initiative citoyenne “Force Vive”; M. Hangi Moïse, un journaliste indépendant au regard perçant; et M. Yusufu Kibingila David, porte-parole de Congo Live TV. Ensemble, ils ont mis en lumière l’esprit de résistance qui anime les habitants de cette région.
Ils ont rappelé un principe fondamental qui résonne dans le cœur de chaque Congolais : en vertu de l’article 64 de la Constitution, tout citoyen se transforme en “Muzalendo”, un gardien de la terre ancestrale. Face à la menace qui pèse sur leur patrie, cette transformation n’est pas seulement un choix, mais un devoir impérieux. La raison de ce sursaut patriotique ? La porosité alarmante des frontières du Nord-Kivu, une faille qui met en péril la sécurité et la souveraineté de la République Démocratique du Congo.
La guerre contre les terroristes du M23 au Masisi et Rutshuru.
La guerre sévissant dans les territoires de Masisi et Rutshuru mérite une attention particulière. Dans ces zones du Nord-Kivu, en RDC, une coalition de forces loyalistes, incluant les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC), la Force de Défense du Burundi (FDNB), la South African National Defence Force (SANDF), les Forces de défense du peuple tanzanien (TPDF), la Force de Défense du Malawi (FDM) et des jeunes pisteurs locaux “WAZALENDO”, affronte les terroristes du M23. Ces derniers bénéficieraient du soutien des États-Unis, de l’OTAN, de la Rwanda Defence Force (RDF) de Paul Kagame, président du Rwanda, et de l’Uganda Peoples’ Defence Forces (UPDF) de Museveni Yoweri, président de l’Ouganda. L’objectif des USA serait de protéger le Kivu, considéré comme “leur territoire depuis 2005” selon une loi du Sénat américain, face à l’influence chinoise en Afrique, en particulier dans la région des Grands Lacs. La balkanisation de la RDC est ainsi un enjeu majeur.
S.E. Tshisekedi Tshilombo Félix, président de la RDC, refuse tout dialogue tant que les terroristes du M23 occupent le territoire congolais, rappelant les plus de 10 millions de victimes causées depuis 1997 par la RDF et l’UPDF à l’est de la RDC. Malheureusement marqués par l’aliénation coloniale, les présidents Kagame et Museveni semblent avoir perdu tout sens de l’Ubuntu, de l’humanité.
En ce moment, la force loyaliste connaît une montée en puissance remarquable, soutenue par une artillerie aérienne efficace et des armements de dernière génération. Face à cette avancée, les terroristes du M23, appuyés par les USA, l’OTAN (incluant l’Union Européenne, l’Australie, le Canada et la Turquie), la Rwanda Defence Force (RDF) et l’Uganda Peoples’ Defence Forces (UPDF), peinent désormais à s’emparer de nouveaux villages. Leur présence se fait de plus en plus précaire à Mweso, une position qu’ils essaient tant bien que mal de maintenir, mais sans succès. Ils ne parviennent même plus à se stabiliser à Sake et se trouvent dans une situation désespérée.
Dans leur fuite précipitée, ces terroristes du M23 ont recours à des bombardements aveugles sur Mweso et Sake, causant la mort de nombreux innocents, enfants compris, une tragédie qui vient s’ajouter aux violations du droit international humanitaire. Désormais, leur objectif semble être de se rediriger vers Bukavu, cherchant probablement un nouveau refuge ou un théâtre pour leurs opérations militaires.
Une évolution particulièrement inquiétante est leur nouvelle stratégie visant les camps de déplacés. Ces lieux, où se regroupent des millions de Congolais déracinés par le conflit et soutenus par l’aide humanitaire de l’ONU et de diverses ONG, sont devenus des cibles pour les attaques des terroristes M23. Cherchant à semer le chaos, les terroristes bombardent ces camps dans les régions de Nyiragongo et Rusayu, tout en essayant de s’y infiltrer, profitant de la vulnérabilité de ces communautés déjà éprouvées par la guerre.
Face à cette menace, une alliance s’est formée entre les forces loyalistes et les “Wazalendo”, ces jeunes du cru déterminés à protéger leur terre. Ensemble, ils orchestrent des offensives contre les terroristes du M23, défendant avec bravoure les populations civiles contre les incursions et les actes barbares de ce groupe. Cette collaboration souligne non seulement la résilience des vaillants FARDC et de la jeunesse congolaise mais aussi leur engagement indéfectible à restaurer la paix et la sécurité dans une région longtemps tourmentée par les conflits.
La guerre du numérique et des réseaux sociaux.
La guerre qui se déroule dans l’ombre des territoires du Nord-Kivu s’étend bien au-delà des combats physiques, infiltrant l’espace numérique avec une intensité redoutable. Sur Internet et les réseaux sociaux, une bataille de l’information fait rage, orchestrée par les combattants du M23 et leurs alliés implicites – un ensemble hétérogène regroupant les États-Unis, l’OTAN (incluant l’Union Européenne, l’Australie, le Canada et la Turquie), la Rwanda Defence Force (RDF) et l’Uganda Peoples’ Defence Forces (UPDF). Sous le voile du “réseau Soros”, cette guerre numérique vise à manipuler l’opinion publique quant aux véritables enjeux du conflit.
Plutôt que d’avouer chercher à protéger les intérêts stratégiques des USA, ces acteurs dépeignent la situation comme une menace pesant sur la tribu tutsi, originaire du Rwanda mais résidant en RDC, prétendument en quête de terres depuis l’issue de la première guerre du Zaïre en 1997. Cette narration est cependant contredite par la réalité du Nord-Kivu, où plus de 400 tribus coexistent pacifiquement, leurs droits sur la terre étant clairement établis et reconnus.
Un rappel historique s’impose pour dissiper les mythes : le Rwanda, avant 1510, était peuplé par des tribus autochtones, notamment les Bashi, originaires de l’est de la RDC. L’ascension de Ruganzu II Ndoli marque l’arrivée au pouvoir de la tribu Bahinda du Karagwe, une région située entre la Tanzanie et l’Ouganda d’aujourd’hui, qui s’est imposée au Rwanda sans l’assentiment des populations locales. Les Bahinda, devenus par la suite les Banyiginya du Rwanda, ont accueilli les colonisateurs allemands en 1895 et ont collaboré avec eux contre le Burundi, jusqu’à ce que les interventions étrangères des USA, du Vatican, de la Belgique et de la France ne les renversent en 1959. Grégoire Kayibanda, le premier président du Rwanda post-indépendance, appartenait à la tribu des Bashi, revenant ainsi aux racines ancestrales de la nation.
Dans ce contexte tumultueux, une “armée numérique” d’internautes actifs sur des plateformes telles que X (anciennement Twitter), Facebook et Snapchat, se mobilise contre les forces loyalistes soutenant les FARDC. Ce réseau numérique s’emploie non seulement à semer la confusion sur la scène internationale mais menace également les journalistes locaux congolais qui s’efforcent de révéler la vérité sur la situation réelle au Nord-Kivu. Cette guerre de l’information, tout aussi cruciale que les affrontements sur le terrain, souligne l’importance de la vérité et de la transparence dans le combat pour la justice et la paix dans la région.
La porosité alarmante des frontières du Nord-Kivu …
La frontière entre Kabuanga au Rwanda et la République Démocratique du Congo (RDC), en particulier autour de la colline de Nyundo et le poste frontière de Kasisi, a récemment été le théâtre d’une incursion significative. Une force imposante de la Rwanda Defence Force (RDF) a franchi cette limite, pénétrant profondément en territoire congolais. Le territoire de Nyiragongo s’est ainsi trouvé être le point d’entrée privilégié pour ces troupes rwandaises, leur ouvrant la voie pour des opérations militaires dans les régions de Masisi et Rutshuru.
Le 29 janvier 2024, cette infiltration a atteint un pic lorsque quatre camions chargés de soldats de la RDF ont été signalés traversant cette frontière, un mouvement qui n’a pas échappé à l’attention vigilante de la société civile congolaise. Ces événements ont suscité une vive inquiétude, marquant une escalade dans les tensions régionales et signalant le début de nouvelles hostilités.
Ces incursions ne se limitent pas au déploiement de troupes. Les conséquences de ces mouvements se révèlent également dans l’économie locale, affectant tant les ressources minières que les productions agricoles des territoires de Masisi et Rutshuru. Les biens pillés, y compris les précieuses ressources minières et les récoltes, sont systématiquement transportés à travers la frontière de Kabuanga pour être rapatriés au Rwanda, exacerbant le pillage des richesses congolaises.
Face à cette situation, la société civile de Nyiragongo appelle à une réaction ferme de la part des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC). La nécessité de renforcer la surveillance et le contrôle de cette zone frontalière critique est devenue une priorité absolue pour prévenir d’autres incursions et protéger l’intégrité territoriale de la RDC. La présence de la RDF, ainsi que celle de l’Uganda People’s Defence Force (UPDF), souligne l’urgence d’une stratégie de défense robuste pour sécuriser la région, en particulier les abords du parc national de Virunga, considéré comme un bastion stratégique dans cette lutte pour la souveraineté.
Dans les confins du territoire de Rutshuru, une tension palpable enveloppe les localités sous l’emprise de terroristes M23. Un couvre-feu strict interdit aux habitants de quitter leurs demeures après 18h30, une mesure draconienne visant à voiler les mouvements nocturnes de l’Uganda People’s Defence Force (UPDF). Cette tactique a pour but d’empêcher les citoyens d’assister à l’arrivée des renforts ougandais, et surtout de documenter ces moments par des photographies qui pourraient témoigner de cette collusion.
C’est par la frontière de Kitagoma, un passage discret situé dans la chefferie de Bwisha, que l’UPDF a choisi de pénétrer en masse sur le sol congolais. Depuis une semaine, des convois de militaires ougandais franchissent cette limite sans grande résistance, s’insinuant dans le tissu de Rutshuru avec une audace qui défie l’entendement.
Cette infiltration, orchestrée dans l’ombre, révèle non seulement l’ampleur de l’implication régionale dans le conflit congolais mais soulève également des questions sur la souveraineté et la sécurité du territoire de la RDC. Face à cette incursion silencieuse, la communauté de Rutshuru se retrouve prise entre le marteau des directives des terroristes M23 et l’enclume de la présence militaire ougandaise, témoignant de la complexité croissante du conflit qui secoue la région.
Face à l’éventualité d’une fermeture des frontières avec le Rwanda et l’Ouganda, la République Démocratique du Congo (RDC) se trouve à un carrefour décisif. Il devient impératif d’établir des voies de ravitaillement alternatives via Bukavu, dans le Sud-Kivu, et le Burundi, pour garantir l’acheminement des biens essentiels depuis la Tanzanie, le Burundi et le Kenya vers le Nord-Kivu. Cette région, malgré les conflits qui la meurtrissent depuis plus de deux décennies, détient le potentiel pour une autonomie complète, à condition que les politiques locales soient judicieusement élaborées et mises en œuvre.
La tragédie du Nord-Kivu, en proie à la guerre depuis 26 ans principalement à cause des interventions du Rwanda soutenu par l’Ouganda, souligne une faille majeure dans la stratégie humanitaire actuelle. Les convois humanitaires, orchestrés par les Nations Unies, empruntent majoritairement les routes passant par le Rwanda, une erreur stratégique qui a longtemps négligé l’importance de la souveraineté et de la sécurité de la RDC.
Aux abords de cette frontière controversée, notamment à Nyiragongo et Rusayu, se trouvent des camps abritant des millions de déplacés congolais. Ces derniers, bien que bénéficiant de l’aide humanitaire de l’ONU et de diverses ONG, se retrouvent piégés dans une précarité exacerbée par les conflits frontaliers. Il devient alors évident que la RDC doit prendre en main l’organisation de l’aide humanitaire, en mettant en place une politique qui assure non seulement la subsistance, mais aussi le soin, l’éducation et l’emploi de ces millions de déplacés. Se défaire de sa terre d’origine – sa mère nourriciaire -, de ses ancêtres et de son “kanda” (référence à la communauté ou à la famille élargie) pour un Congolais, c’est se voir arraché à son essence, perdre son identité et son ancrage, une condition profondément inhumaine.
Dans ce contexte, l’urgence d’une solidarité régionale devient criante. Les “Wazalendo” (patriotes locaux), la RDC, le Burundi et la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (SADC) se doivent de former un front uni pour protéger les citoyens du Kivu des agressions et manipulations externes, notamment celles orchestrées par les États-Unis, le Rwanda et l’Ouganda. Cette lutte pour la souveraineté et la dignité humaine dans le Kivu transcende les frontières nationales, appelant à une réponse collective empreinte d’Ubuntu, ce principe africain qui célèbre l’humanité partagée.
Les guerres secrêtes des grandes puissances en Afrique [2] …
Depuis l’année 1986, une alliance discrète mais puissante unit les présidents Paul Kagame du Rwanda et Yoweri Museveni de l’Ouganda. Leur collaboration débute dans des circonstances extraordinaires, lorsque tous deux se trouvent dans la position de réfugiés. C’est dans ce contexte précaire qu’ils attirent l’attention et reçoivent le soutien de deux des plus influentes agences de renseignement au monde : la Central Intelligence Agency (CIA) des États-Unis et le Mossad d’Israël.
Ces débuts marqués par l’adversité posent les fondations d’une relation complexe et multidimensionnelle, façonnée autant par les dynamiques régionales de l’Afrique des Grands Lacs que par les intérêts stratégiques internationaux. Le soutien apporté par les USA et Israël n’est pas seulement une aide humanitaire ; il s’agit d’une reconnaissance des potentiels politiques et militaires de Kagame et Museveni, deux figures destinées à jouer un rôle central dans l’évolution de leurs pays respectifs et de la région toute entière.
Cette alliance, forgée au début de la Globalisation Unipolaire Américaine Néolibérale (GUAN), à la fin de la guerre froide et des tumultes post-coloniaux africains, s’avère être un pivot autour duquel s’articulent de nombreuses dynamiques politiques, économiques et sécuritaires dans la région. Le partenariat entre Kagame et Museveni, bien que parfois mis à l’épreuve par les tensions frontalières et les rivalités politiques, demeure un élément constant de la géopolitique de l’Afrique de l’Est, témoignant de la complexité des alliances et des enjeux sur le continent.
Notes :
[1] Volcan actif de 3 470 mètres d’altitude, connu pour ses éruptions fréquentes et son lac de lave, le plus grand du monde.
[2] Pierre Pean, Carnages – Les guerres secrêtes des grandes puissances en Afrique – , ed. Fayard, 2010, pages 562
[ https://www.youtube.com/watch?v=cJhlTpu8Ykg ]
[ https://www.youtube.com/watch?v=-Xu-RqJxpR4 ]
[ https://www.youtube.com/watch?v=dOWv7GwYHNk ]
DAM, NY, AGNEWS, http://burundi-agnews.org, Vendredi 2 février 2024 | Photo : Congo Live TV, Google Map.