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REPUBLIQUE DU BURUNDI REPUBLIKA YUBURUNDI
Conseil National pour la Défense de la Démocratie Inama yIgihugu Igwanira Demokarasi
Forces pour la Défense de la Démocratie Ingabo zigwanira Demokarasi
DOCUMENT N° 4
Criminalisation socio-économique
du pouvoir par la tyrannie
politico-militaire tutsi au Burundi
Commission Permanente dEtudes Politiques
(COPEP)
Juillet 2001
site internet : www.cndd-fdd.org
"Considérant qu'il est essentiel que les droits de l'homme soient protégés par un régime de droit pour que l'homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l'oppression, (...)"
(Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, Préambule, paragraphe 3)
Table des matières
Chap. 1. Les préludes constitutionnels et institutionnels de la criminalisation du pouvoir
1.1. La centralisation du pouvoir au sens large et son impertinence sur le développement
1.2. La centralisation du pouvoir au sens strict et son impertinence sur la bonne gouvernance
1.3. La déviance du pouvoir en système dapartheid : le cas du système éducatif
Chap. 2. La criminalisation socio-économique du pouvoir
2.1. La gestion du territoire insoucieuse des problèmes de société
2.1.1. Les conflits dans les rapports écologiques et démographiques
2.1.2. Les conflits dans les rapports juridiques et sociaux
2.1.3. Les conflits dans les rapports daménagement et dutilisation
2.2. La criminalisation du pouvoir dans la politique de développement
2.2.1. La ruine de lagriculture paysanne
2.2.2. Le maintien du régime daccumulation coloniale
2.2.3. Le blocage de lesprit dinitiative locale
- Les politiques de promotion économique et sociale sous le régime colonial
- Les politiques de promotion économique et sociale sous la monarchie et la première république
- Les politiques de promotion économique et sociale sous la deuxième république
- Les politiques de promotion économique et sociale sous la troisième république
Liste des tableaux
Tableau 1. Lemploi du secteur économique moderne au Burundi
Tableau 2. Répartition de la population burundaise par province et par milieu rural/urbain en 1990
Tableau 3. Intervention des bailleurs de fonds dans le secteur coopératif sous la deuxième république
Tableau 4. Les Sociétés Régionales de Développement en 1985
Tableau 5. Revenu, dépenses et financements requis pour les Sociétés Régionales de Développement en 1984
Tableau 6. Emergence des ONG à objectifs socio-économiques
Tableau 7. Evolution des recettes totales et des dépenses totales de lEtat ainsi que de la dette publique extérieure du Burundi
Tableau 8. Répartition des chefs des grandes entreprises publiques du Burundi par ethnie et par province dorigine sous le régime Buyoya II
Liste des figures
Figure 1. Les principaux acteurs du système de production à léchelle nationale
a) Cas dun système idéalement décentralisé : les relations mutuelles des acteurs sont symétriques
b) Cas du Burundi : les relations mutuelles des acteurs sont réduites à la dépendance totale voire au parasitisme en faveur du pouvoir central
Figure 2. Lorganisation de ladministration territoriale du Burundi progressivement mise en place par les régimes militaires tutsi
Depuis plusieurs décennies, le Burundi est en crise dadaptation aux principaux courants de transformation sociétale :
crise dadaptation au courant de transformation économique, notamment la mondialisation dont le principal effet pervers est le basculement de plus en plus de gens dans la grande pauvreté ;crise dadaptation au courant de transformation démographique, notamment son taux de croissance intense responsable du processus dexplosion démographique depuis le début des années cinquante ;
crise subséquente dadaptation dune population de plus en plus nombreuse à son environnement, notamment la crise rurale liée au surpeuplement de lespace agricole ainsi que la crise péri-urbaine due à lexode rurale ;
et surtout crise dadaptation au courant de transformation politique, notamment le déni obstiné de la démocratie par une oligarchie politico-militaire issue de lethnie minoritaire tutsi (14% de la population burundaise) mise en place par la force depuis 1965 au détriment de lethnie hutu (85%) et de lethnie twa (1%).
Face à cette crise multidimensionnelle de la société burundaise, la réponse du pouvoir se résume en une attitude de statu quo qui frise la criminalité et en montages de pseudo-représentations hutu au sein du gouvernement pour masquer, sinon la perversion généralisée de lEtat burundais, au moins sa politique de ségrégation ethnique.
Le volet politique de cette crise, auquel nous avons déjà consacré trois dossiers de réflexion, est suffisamment révélateur de cette perversion généralisée de lEtat burundais car le pouvoir met en jeu, par une manipulation criminelle des ethnies, la survie même de la nation et du peuple burundais.
A cet égard, rappelons très succinctement que le Burundi est le théâtre de massacres ethniques ou inter-ethniques récurrents depuis le milieu des années soixante : 1965, 1969, 1972, 1988, 1991 et 1993 ; mais que depuis 1994, ces affrontements ponctuels ont dégénéré en conflit généralisé et ininterrompu opposant lEtat et le peuple burundais.
Parmi les multiples causes invoquées par les 19 partis ou institutions politiques réunis au forum dArusha entre juin 1998 et août 2000 afin de cerner la nature du conflit puis den tirer un accord de paix, trois propositions de leur diagnostic méritent dêtre épinglées ici car elles ont des points de convergence avec le thème de criminalisation socio-économique du pouvoir sous examen.
- Première proposition. Le Burundi est victime dune violation systématique des lois et dune instabilité subséquente des institutions. En effet, "tous les textes constitutionnels ont été constamment violés par les pouvoirs en place ou remplacés par des textes réglementaires élaborés expressément pour légitimer un pouvoir pris par la force".Deuxième proposition. Le Burundi est victime dune confiscation du pouvoir dEtat par une oligarchie, aussi bien civile que militaire, issue de lethnie tutsi et principalement de la même région : la province de Bururi. Ceci eut pour corollaires "le favoritisme, le népotisme, le régionalisme, le non respect des textes fondamentaux, le non respect des libertés et des droits de lHomme, la corruption, la mauvaise gestion, les injustices de toutes sortes, le déni de la démocratie".
Troisième proposition. Le Burundi est victime dun manque de leadership doté dune vision nationale et soucieux des aspirations de la société. Bien plus, il est victime dune vieille idéologie fasciste, non encore éradiquée aujourdhui, de supériorité de certains groupes ou de certaines races, en loccurrence de lethnie tutsi sur lethnie hutu. En effet, "la question de lexclusion (des Hutu au profit des Tutsi) sest manifestée à lépoque coloniale lorsque le colonisateur, dans sa volonté de diviser pour régner, a introduit et inoculé une vision raciste et caricaturale de la société burundaise accompagnée de préjugés et de faux clichés, portant sur des considérations morphologiques ou des traits de caractère destinés à opposer les différentes composantes ethniques. Sappuyant sur le pouvoir en place, le colonisateur a maintenu le système administratif existant et a introduit des pratiques discriminatoires nouvelles qui ont eu cours notamment dans lenseignement et ont contribué à briser la cohésion sociale et à développer lexclusion". Après lindépendance, la confiscation du pouvoir par loligarchie précitée a amplifié ce phénomène. Lélite tutsi a en effet repris à son compte les clichés du colonisateur selon lesquels le Hutu est inapte à gouverner. Ainsi, les Hutu ont-ils été exclus des organes du pouvoir. De là résultent les déséquilibres ethniques énormes observés dans tous les secteurs modernes de la vie nationale. De cette façon "les dirigeants sont restés figés au mode de gouvernement hérité du colonialisme et nont pas cherché à adapter les institutions, ni le mode de direction de lEtat à lévolution de la société burundaise".
Si lon examine lhistoire postcoloniale du Burundi en se référant au "concept de politique" dans son acception la plus noble et la plus large, à savoir lart de concevoir et de mettre en uvre un mode de vivre en harmonie et de progresser ensemble, lon saperçoit que le marasme économique, social et culturel du Burundi nest pas le fait du hasard, mais le fait dune politique criminelle. Lon réalise en effet que le peuple burundais, dépossédé de ses droits politiques élémentaires depuis le milieu des années soixante, a été contraint dabandonner le cap du progrès économique, social et culturel tracé par le Prince Louis Rwagasore et démocratiquement approuvé par les élections législatives du 18 septembre 1961.
Cette rupture dans lorientation politique, économique et sociale du Burundi est précisément lobjet de cette réflexion : processus institutionnel de confiscation du pouvoir et surtout criminalisation socio-économique de celui-ci.
Lon sait cependant que ce rapport de perversion très caractéristique de lEtat burundais postcolonial reste quasiment immergé, comme un iceberg, dans un océan de confidentialité aussi bien au niveau national quau niveau international.
Le but de cette étude est alors de briser le tabou. Elle vise en effet à faire la lumière sur la perversion de laction de lEtat par la tyrannie politico-militaire tutsi depuis 1965 surtout en matière économique ainsi que sur les conséquences sociales et environnementales de cette perversion. Elle procède en deux étapes. Elle fait dabord le point sur les préludes constitutionnels et institutionnels de cette perversion. Elle aborde ensuite la criminalisation socio-économique du pouvoir proprement dite, notamment dans deux domaines où elle sest singulièrement illustrée : la politique de développement et la gestion du territoire.
Chapitre 1 :Les préludes constitutionnels et institutionnels de la criminalisation du pouvoir |MENU
Comme nous venons de lindiquer dans lintroduction générale, le Burundi est victime dune confiscation du pouvoir dEtat par une oligarchie, aussi bien civile que militaire, imbue dune idéologie fasciste de supériorité "raciale" et insoucieuse des problèmes de société, qui nhésite pas à violer les lois et à tactiquement déstabiliser par intermittence les institutions.
En effet, depuis quil a été dépouillé de ses droits élémentaires (1965) et placé sous un mode de gestion appelé "centralisme démocratique", le peuple burundais est constamment sous lemprise de tracasseries policières, dun terrorisme dEtat et de massacres ethniques périodiques suivis de simulacres de réconciliation nationale.
Du point de vue constitutionnel et institutionnel, cest donc le centralisme démocratique, méthode de rationalisation de lactivité politique pratiquée par tous les régimes communistes et par beaucoup de pays du Tiers-Monde sous la guerre froide, qui a été dévoyé en méthodes de criminalisation socio-économique du pouvoir au Burundi. Si beaucoup de partis uniques africains ont adopté le centralisme démocratique entre 1960 et 1990 avec des effets socio-économiques plus ou moins négatifs, le parti UPRONA la utilisé dune manière extrêmement débridée car, selon les témoignages mêmes de milieux politiques tutsi, cest lui (le centralisme démocratique débridé du parti UPRONA) qui a "institutionnalisé lexclusion comme mode de gouvernement".
Sur le plan institutionnel, nous allons, par commodité pédagogique, analyser ce processus de confiscation et de perversion du pouvoir par le biais du centralisme démocratique en deux composantes principales : la centralisation politique au sens large (centralisation des pouvoirs politico-administratifs et socio-économiques) et la centralisation politique au sens strict (centralisation seulement des pouvoirs politico-administratifs). Puis ce chapitre sera clôturé par une illustration de la déviance du pouvoir en système dapartheid : la ségrégation ethnique et régionale au sein du système éducatif.
1.1.La centralisation du pouvoir au sens large et son impertinence sur le développement | MENU
Pour définir le phénomène de centralisation au sens large, il nous semble plus commode de passer par le phénomène exactement contraire (la décentralisation des pouvoirs politico-administratifs et socio-économiques) puis den déduire le processus historique de centralisation totale du pouvoir dEtat au Burundi avec ses réalités politiques, économiques et sociales.
Dans son acception la plus large, la décentralisation des pouvoirs politico-administratifs et socio-économiques signifie le passage des politiques de développement induites unilatéralement par lEtat à un système de concertation et de partenariat entre une multiplicité dacteurs dotés de compétences légalement et légitimement reconnues. Tels que synthétiquement présentés à la figure 1, ces acteurs sont généralement organisés en cinq pôles : lEtat (pouvoir central), lentreprise (privée, publique ou mixte), la collectivité territoriale (région, province, commune et autre), lindividu/famille (communément appelé ménage ou particulier) et groupes (associations diverses).
Ils ont chacun une spécificité propre et créent ensemble, par le biais de leurs interactions mutuelles, un profil de société tout aussi spécifique.
LEtat a des installations spécifiques, des biens mobiliers, un domaine foncier et immobilier, assure les grands travaux et les principales infrastructures, fait des lois et règlements, fixe les règles de la fiscalité, gère le territoire national et les frontières ; il est parfois entrepreneur.
Lentreprise exploite et transforme les ressources, a des installations spécifiques dont elle choisit la localisation, crée des flux déchange, dispose dun domaine foncier et des biens mobiliers ; il lui arrive dassurer localement des infrastructures et des logements, mais aussi de produire des nuisances.
La collectivité territoriale gère un territoire, peut assurer des équipements et installations spécifiques, peut avoir une certaine marge de réglementation et dintervention fiscale et financière, et peut disposer dun domaine foncier.
Lindividu/famille est détenteur et/ou usager dun domaine foncier et immobilier, habite, se déplace, produit et consomme, rêve et jouit, crée des flux, mais aussi des nuisances.
Figure 1. Les principaux acteurs du système de production à léchelle nationale | MENU
Le groupe agit plus ou moins directement selon sa nature même : des groupes détiennent et gèrent plus ou moins directement des domaines fonciers et immobiliers soit comme communautés, soit comme entrepreneurs collectifs, soit comme usagers, ou en faisant pression.
Selon donc lampleur et la symétrie/dissymétrie de leurs relations mutuelles, lon a un système macro-social de production caractérisé par la prédominance plus ou moins perceptible de telle ou telle conjugaison dacteurs (voir figure 1).
Dans le cas du Burundi, le profil macro-social de production est très largement dominé par un acteur : lEtat qui, non seulement concentre tous les pouvoirs politico-administratifs entre ses mains, mais domine aussi le pouvoir économique jusquà empêcher lémergence dune société civile et étouffer tout le potentiel de créativité tant à léchelle nationale quà léchelon local. Cest lexemple parfait de la centralisation totale du pouvoir dEtat (voir figure 1.b).
La structure de lemploi donne très synthétiquement lampleur de ce phénomène de marginalisation socio-économique de limmense majorité de la population burundaise. Le secteur non structuré, surtout agricole, occupe plus de 95% des 3,5 millions de population active en 1990. Le secteur moderne (ou secteur structuré), avec ses 73.725 emplois en 1990, est donc insignifiant dautant plus quil est très largement dominé par lEtat par le biais de la fonction publique (services de défense, de sécurité, denseignement, de travaux publics, ), par le biais dentreprises publiques (eau, électricité, télécommunication, office du café, office du thé, sociétés régionales de développement, ) et par le biais du personnel des communes (voir tableau 1).
Tableau 1. Lemploi du secteur économique moderne au Burundi (daprès le Ministère de la Fonction publique et le Ministère du Travail et de la Sécurité sociale, cités par Afrique Business Magazine, Spécial Burundi, n° 6, Juin/Juillet 1993, p. 241) | MENU
Années |
Personnel de ladministration publique |
Personnel des entreprises publiques, privées et des communes |
Total |
1988 |
22.903 |
44.972 |
67.875 |
1989 |
25.163 |
49.526 |
74.689 |
1990 |
26.470 |
47.255 |
73.725 |
Quant à la marginalisation socio-politique de cette même population, lanalyse proposée à ce sujet en 1992 par Pascal Rutake est sans équivoque. Elle montre en effet que cette marginalisation sest structurée de manière décisive à partir des changements opérés dès la première république (1966) au niveau du parti UPRONA.
"Le Parti est structuré jusquà la plus petite colline. Il suit dans son organisation les échelons administratifs selon le principe du centralisme démocratique, avec des instances délibérantes aboutissant au Congrès national, instance suprême.
Les organes exécutifs formés par les comités élus agissent en fonction de linstance délibérante et sous lautorité du Comité supérieur, dont le plus élevé dans la hiérarchie est le Bureau politique national devenu Comité central en 1970.
Le Comité de colline élu par lassemblée générale de la colline pour un an est composé de dix membres. En 1974, ce comité est réduit à trois membres élus et prend le nom de Comité danimation. Quant au Comité de la colline de recensement ou de quartier, il est composé de six membres élus dans les mêmes conditions.
Le Comité de commune est composé dautant de membres quil y a de Comités de colline ou de quartier du ressort de la commune, élus pour un an.
On serait par contre tenté de croire par la suite à une certaine décentralisation des compétences grâce à la suppression de la confusion des fonctions administratives et partisanes entre les mains de ladministration communale. En effet, en 1970, la concentration est maintenue à léchelon provincial où le gouverneur est doffice premier secrétaire provincial alors quauparavant ladministrateur communal, le commissaire darrondissement, le gouverneur étaient membres de droit du comité à leurs niveaux respectifs et automatiquement premiers secrétaires à ces différents niveaux. Cette pratique disparaît au niveau des principes pour être gardée dans la réalité, les commissaires darrondissement et administrateurs communaux étant restés premiers secrétaires du Parti. Il en résulte deux formes de dévolution des fonctions partisanes. Sur un plan général, la confusion des fonctions partisanes et des fonctions administratives concourait au renforcement non plus du centralisme démocratique mais de la centralisation bureaucratique de lappareil politique avec comme conséquence inéluctable de transformer le Parti en une simple branche de ladministration.
De ce fait, la bureaucratisation des forces politiques et la politisation des appareils de ladministration territoriale nuisent à la cohérence de laction administrative et à la mise en uvre des politiques générales. La concentration en cascade des fonctions politiques et administratives depuis le président, secrétaire général du Parti, jusquà ladministrateur communal en passant par le gouverneur de province et le commissaire darrondissement produit dautres effets secondaires : elle atrophie sensiblement les canaux de transmission des directives dès lors que les instances délibérantes sont paralysées ou supprimées.
Ainsi, les autorités politico-administratives sépuisent à entretenir une sorte de monologue sous prétexte de mobilisation, empressées quelles sont de répondre aux vux de leurs supérieurs hiérarchiques qui disposent à leur égard de pouvoirs de nomination et de révocation.
Par rapport à la collectivité locale de la période précoloniale, la conclusion de Sanglar ayant trait à lUPRONA sous la première république mérite dêtre méditée. «Plus que le chef traditionnel, les responsables du Parti sont craints et leur autorité nest fondée que sur cette crainte que les gens éprouvent envers eux». Cette phrase rend compte du degré de résignation et de doute que nourrissent les populations vis-à-vis dune autorité communale quelles ont vue pour la première fois le jour de sa nomination. A ce stade, déjà, apparaît un divorce total entre une forme de représentation fondée sur lappréciation et un comportement social observé de longue date et le parachutage dun inconnu tirant sa confiance des seules autorités hiérarchiques qui lont projeté dans lunivers du pouvoir. On imagine sans peine la frustration de ceux qui se sont vus retirer le droit de participer au choix de leurs dirigeants locaux et aussi la désinvolture de ceux qui nont aucun compte à rendre à leurs administrés".
1.2. La centralisation du pouvoir au sens strict et son impertinence sur la bonne gouvernance | MENU
Comme dans la section précédente, la définition du phénomène de centralisation au sens strict passe aussi par celle du phénomène exactement contraire : la décentralisation du pouvoir dEtat au sens strict.
Le concept de décentralisation du pouvoir dEtat au sens strict exprime surtout le transfert de certaines compétences du niveau supérieur ou central (lEtat et ses agents nommés) vers le niveau local ou périphérique (la collectivité locale et ses agents élus) en passant par un ou plusieurs niveau(x) intermédiaire(s) de collectivité territoriale. Une fois réalisée, la décentralisation sensu stricto dote chacune de ces collectivités territoriales dune personnalité morale et dune autonomie financière spécifiques. Ce statut juridique a pour effet de reconnaître à la collectivité territoriale le droit de disposer dun patrimoine et de le gérer et, plus encore, de disposer de ressources et de les employer librement (au sens des lois et règlements en vigueur).
La collectivité territoriale peut, ainsi, sadministrer librement. Toutefois, cela ne signifie pas la disparition dun pouvoir central car, si lEtat nassume plus directement certaines compétences lui antérieurement dévolues, il conserve néanmoins le droit de contrôle sans lequel la cohérence nationale serait compromise.
Conçue généralement à partir denjeux économiques (meilleures impulsions économiques en vue dune meilleure répartition géographique des activités et de la croissance des richesses), la décentralisation est également porteuse denjeux politiques (aide à la démocratisation de la collectivité nationale), denjeux financiers (meilleure mobilisation de ressources financières notamment par la fiscalité) et denjeux sociaux (meilleur partage de ces ressources entre lEtat et les collectivités territoriales en vue dune meilleure réponse aux besoins des populations).
Dans le cas du Burundi, la centralisation sensu stricto fut formellement établie dès le début de la deuxième république (1976), mais elle était pratiquement accomplie au cours de la première république (1966-1976).
La structure administrative du Burundi comprend désormais six échelons : la nation, la province (ou la mairie dans le cas de lunique grande ville : Bujumbura), la commune, la zone, le secteur et la colline de recensement (voir figure 2 pour le schéma de structure et tableau 2 pour une esquisse de répartition de la population dans ce schéma). En dessous de la colline de recensement, lon peut relever lexistence dunités "territoriales" supplémentaires telles que agacimbiri (localité) et nyumbakumi (groupement de dix ménages) sournoisement introduites pour les besoins dune surveillance politique encore plus rapprochée de la population. Aussi, le niveau de larrondissement a été supprimé au profit dune augmentation du nombre des provinces.
Figure 2. Lorganisation de ladministration territoriale du Burundi progressivement mise en place par les régimes militaires tutsi | MENU
Tableau 2. Répartition de la population burundaise par province et par milieu rural/urbain en 1990 (daprès le Ministère de lIntérieur et du Développement des collectivités locales, 1992, Recensement général de la population et de lhabitation (au 15 août 1990) : résultats définitifs, Gitega, Bureau central de recensement, République du Burundi, tableau 2.2, p. 13) | MENU
Province |
Population rurale |
Population urbaine |
Population totale |
Bubanza | 220.008 |
2.945 |
222.953 |
Bujumbura mairie | 0 |
235.440 | 235.440 |
Bujumbura rural | 372.597 |
894 |
373.491 |
Bururi | 369.674 |
15.816 |
385.490 |
Cankuzo | 141.154 |
1.643 |
142.797 |
Cibitoke | 271.563 |
8.280 |
279.843 |
Gitega | 544.466 |
20.708 |
565.174 |
Karuzi | 284.502 |
3.403 |
287.905 |
Kayanza | 436.235 |
6.881 |
443.116 |
Kirundo | 395.922 |
5.181 |
401.103 |
Makamba | 218.601 |
5.198 |
223.799 |
Muramvya | 439.363 |
2.290 |
441.653 |
Muyinga | 367.849 |
5.533 |
373.382 |
Ngozi | 467.735 |
14.511 |
482.246 |
Rutana | 193.890 |
1.944 | 195.834 |
Ruyigi | 236.190 |
2.377 |
238.567 |
Total | 4.959.749 | 333.044 | 5.292.793 |
Moyenne par province | 309.984 |
20.815 | 330.800 |
En outre, la centralisation des fonctions administratives a été renforcée à tel point que jusquaujourdhui, les autorités des divers échelons sont mises en place par nomination. "Ainsi, le chef de colline est désigné par ladministrateur communal (parmi les membres du comité élu par lassemblée générale de la colline) alors que le chef de zone est nommé par le Ministre de lintérieur. Quant au gouverneur de province et à ladministrateur communal, ils sont nommés par le Chef de lEtat sur proposition du Ministre de lintérieur, aussi nommé par lui". Enfin, la confusion entre les fonctions administratives et les fonctions partisanes est devenue absolue.
1.3. La déviance du pouvoir en système dapartheid : le cas du système éducatif | MENU
Après la défense, la sécurité et la justice (qui sont impliquées dans le génocide ou les massacres récurrents des années 1965, 1969, 1972, 1988, 1991, et 1993 jusquà ce jour), léducation forme sans doute le secteur le plus déchirant de la société burundaise. La seule évocation du système éducatif suscite lamertume chez la plupart des citoyens burundais. La raison en est simple : léducation nationale est linstrument de premier choix de la politique dapartheid pratiquée depuis lépoque coloniale par lEtat en faveur de lethnie tutsi. LEtat postcolonial, sous la férule de loligarchie politico-militaire tutsi précitée, a renforcé cet héritage colonial jusquà couvrir dune chape de plomb les anomalies pourtant évidentes de son système éducatif.
Compte tenu de cette contrainte générale au silence, la note de Nicéphore Ndimurukundo (Tutsi, Professeur duniversité et surtout Ministre de léducation nationale, de lenseignement de base et de lalphabétisation entre le 9 février 1994 et le 25 juillet 1996) est vraiment courageuse et exceptionnelle. Elle contient des données qui permettent de faire la lumière sur la continuité de ce phénomène depuis lépoque précoloniale jusquà ce jour.
- "Bien avant la colonisation, précise la note de Ndimurukundo, le pouvoir royal, au Rwanda comme au Burundi, avait déjà manipulé les clans et les ethnies à travers une structure de clientèle qui a introduit des rapports interpersonnels de dépendance et dextorsion du surtravail. Ainsi les termes «Hutu» et «Tutsi» étaient devenus synonymes respectivement de classe dominée et de classe dominante".
- Dès le début du 20ème siècle, cette mythologie fondatrice de la stratification des ethnies fut idéologiquement confirmée par les essais danthropologie coloniale et surtout politiquement exploitée par le biais de pratiques discriminatoires érigées dans lenseignement et dans la fonction publique en faveur des Tutsi, à telle enseigne que "les Tutsi se sentaient valorisés par leur statut mythique qui se trouve réalisé dans les faits par laccès à lécole et à la fonction publique".
- Dans la période postcoloniale, la prise du pouvoir en 1965 par une oligarchie, aussi bien civile que militaire, issue de lethnie tutsi puis centrée sur le clan hima principalement de la province de Bururi, poussa ce phénomène à lextrême. "En 1969 et 1972, les élites hutu sont pratiquement éliminées des écoles secondaires, des postes administratifs et de larmée" suivant un plan de génocide sélectif, lui-même accompagné pendant une vingtaine dannées dune exclusion drastique des Hutu au sein du système éducatif que ceux-ci ont appelée "génocide intellectuel".
Théoriquement, tout le monde peut aller à lécole au Burundi. Mais en pratique, les Hutu dépassent rarement lécole primaire car, à la fin de ce cycle, il y a un concours national, une épreuve qui sert en réalité à faire échouer la plupart des élèves hutu dont les noms sont signalés discrètement par les administrateurs tutsi de leurs communes dorigine. Il y a, toutefois, quelques rescapés (généralement dune intelligence et dune tenacité exceptionnelles) qui arrivent à passer dans des écoles secondaires. Mais étant très minoritaires dans les établissements denseignement secondaire général, ils se font littéralement harceler par les élèves tutsi (menaces de mort, blessures à larme blanche, bastonnades ) au point que régulièrement certains de ces élèves hutu préfèrent quitter lécole. Ceux qui arrivent malgré tout cela à saccrocher, à terminer lécole secondaire et à atteindre luniversité, ce qui est extrêmement rare, on les oriente systématiquement dans des branches techniques denseignement supérieur, comme par exemple lInstitut pédagogique (cycle de 2 ans seulement après les humanités). Les Tutsi par contre vont dans les facultés universitaires où ils font de préférence le droit, léconomie et ladministration, antichambres des meilleurs postes politiques ou administratifs.
A lapogée de ce "génocide intellectuel" (milieu des années 1980), il apparaissait que le maître duvre en était le Ministre de léducation nationale Isidore Hakizimana, un Hima natif de la même province (Bururi) que tous les militaires présidents. Mais bien avant celui-ci, la tâche sécuritaire assignée par le sommet du pouvoir à ladministration de léducation nationale était bien connue : ruiner chez les Hutu toute prétention au pouvoir en leur barrant le chemin de lécole par toutes les ruses possibles et imaginables. Essentiellement, deux techniques très malicieuses ont été utilisées à cette fin.
- La première, la plus simple et la plus efficace, est la "ruralisation" et la "kirundisation" intégrale du cycle primaire dans les campagnes, à lexception des provinces de Bururi et de Muramvya aux plus hautes densités démographiques tutsi. Ainsi ignorant le français, les enfants de ces campagnes, hutu dans limmense majorité, ne pouvaient tout naturellement réussir le concours national délivré en français, ni tenter leur chance dans le cycle secondaire dun pays voisin. Cette technique est en vigueur depuis la réforme scolaire de 1973.- La deuxième technique utilisée est dordre identitaire. Lon ne connaît pas vraiment le début de sa mise en application ; mais ce qui est sûr, elle atteignit au milieu des années 1980 une telle ampleur que la discrétion nécessaire, pourtant minutieusement appliquée, ne pouvait plus être assurée. En effet, des données statistiques scolaires portant la mention des ethnies furent interceptées par hasard et dénoncées par Côme Bibonimana dans la région de Kirundo chez linspecteur décoles primaires André Nsabimana. Ce fut ensuite le cas dans la région de Rumonge, pour se rendre finalement compte que la technique identitaire concernait toutes les écoles du pays.
Pour la mettre en uvre, le Ministre de léducation nationale a dabord truffé tout le système éducatif dhommes de main, tous tutsi, directeurs ou enseignants. Il a ensuite donné la consigne de marquer, sur les listes délèves et sur les feuilles individuelles du concours national, la lettre u pour un élève hutu et la lettre i pour un élève tutsi. Il a enfin chargé les deux commissions dorientation scolaire (lune au secondaire et lautre à luniversité) de filtrer, comme décrit plus haut, les très rares Hutu qui franchiraient les obstacles précédents.
Suite à ces dispositifs, les écoles de Bururi, de Muramvya et de Bujumbura-mairie, fiefs de lélite tutsi, enregistrèrent des taux de réussite absolument inattendus. Ailleurs, lon observa des échecs répétés contrastant avec les performances qui faisaient naguère la fierté des écoles de la campagne burundaise. Les études publiées en 1995 par Nicéphore Ndimurukundo (déjà citée) et Pascal-Firmin Ndimira étayent remarquablement ces déséquilibres en faveur de ces zones à hautes densités démographiques tutsi : Bururi, Bujumbura-mairie et Muramvya. On vit donc une ascension spectaculaire de la scolarité en faveur des Tutsi pendant que la présence des Hutu aux collèges, aux lycées et aux facultés universitaires seffondrait.
Le "génocide intellectuel" a ainsi fonctionné, des années durant, sans susciter la moindre esquisse de réprobation chez les Tutsi. Mais vers la fin du régime Bagaza, cet apartheid scolaire apparut intolérable du fait que les Tutsi, hors Bururi, Bujumbura-mairie et Muramvya, finirent par avouer quils en étaient également victimes. En effet, le système avait poussé le bouchon trop loin en doublant, ces barrières aux recrutements, dune implacable discrimination en infrastructures : "lon a concentré la quasi-totalité des cycles de formation débouchant sur luniversité dans la seule province de Bururi ainsi que dans les centres urbains où les pions hima dominaient la situation. Les rares établissements denseignement général ou écoles normales donnant accès à lenseignement supérieur furent dans la plupart des cas transformés en simples écoles de formation dinstituteurs sans débouché à luniversité. Des instituts para-universitaires furent mis au point, apparemment pour accueillir les rejetons hutu ou tutsi des provinces défavorisées. Le pouvoir, lui, prétendait vouloir former une classe moyenne de cadres de lEtat, moins coûteuse mais performante. Le jeu était cependant bien remarqué : il sagissait bien daffiner la discrimination au service dune seule ethnie, dune seule province".
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Dans ce système politico-administratif totalement centralisé, toute la hiérarchie administrative nest donc redevable quà un homme : le Chef de lEtat. Le risque de voir les autorités administratives se mettre essentiellement à sa dévotion au détriment des intérêts du peuple burundais est alors devenu réalité. Doù, en effet, les travers gravissimes déjà évoqués : ethnisme, favoritisme, népotisme, régionalisme, non respect des lois, déni de la démocratie, violation fréquente et massive des droits de lHomme, tactique de déstabilisation par intermittence des institutions, etc. Doù également un processus de "patrimonialisation" des ressources du pays par lequel le pouvoir dEtat est massivement utilisé comme moyen daccumulation privée de richesse et qui sillustre singulièrement dans une gestion du territoire insoucieuse des problèmes de société ainsi que dans une perversion délibérée de la politique de développement.
Chapitre 2 :La criminalisation socio-économique du pouvoir | MENU
2.1. La gestion du territoire insoucieuse des problèmes de société | MENU
Au Burundi, les conflits de gestion du territoire sont de plus en plus graves et répandus : conflictualité croissante dans lévolution des rapports écologiques et démographiques, conflictualité croissante dans lévolution des rapports juridiques et sociaux et conflictualité croissante dans lévolution des rapports daménagement et dutilisation.
Au lieu de traiter ces problèmes en bon père de famille, lEtat laisse pourrir la situation quand il ne la gâte pas lui-même en extorquant des terres paysannes au profit de dignitaires du régime ou en essayant de regrouper la population rurale en villages militairement faciles à contrôler.
Les essais de "villagisation forcée" réalisés sous le régime Bagaza (1976-1987) ne sont pas développés dans cette réflexion. Retenons seulement quen dépit de leur présentation inaugurale très révolutionnaire sous le label de "nouvelle politique de développement rurale", ils préfiguraient hélas la politique de déplacements massifs et criminels de populations ouvertement mise en uvre à partir doctobre 1993. Cette politique comprend tout dabord les "déplacés", cest-à-dire les Tutsi regroupés dans les centres administratifs ou aux alentours des camps militaires soi-disant pour être sous protection de larmée mais en réalité pris en otage pour endoctrinement ethno-narcissique et/ou entraînement en milices criminelles. Il y a ensuite les "dispersés", cest-à-dire les Hutu qui fuient en désordre leurs hameaux et leurs champs sous les assauts répétés de larmée. Lon observe aussi, en 1994-1995, la purification ethnique des villes. Dans la ville de Bujumbura par exemple, sept zones sur les neufs que comprend lensemble de la mairie ont été transformées en "tutsilands" et les deux restant (Kamenge et Kinama) en "hutulands". Il se développe enfin, depuis 1996, une politique de déplacement forcé de populations hutu et de leur enfermement en camps de concentration de type NAZI à laquelle la COPEP va consacrer sous peu une importante étude.
2.1.1. Les conflits dans les rapports écologiques et démographiques | MENU
Les rapports écologiques et démographiques dun territoire déterminé sont aisément approchés par le concept de pression de population sur ses ressources en étudiant, synchroniquement et diachroniquement, les effets socio-économiques et environnementaux du rapport entre leffectif de la population et la superficie (brute, utilisable ou réellement utilisée). Ce rapport (nombre dhabitants par hectare ou par km2) ou son inverse (nombre dhectares ou de km2 par habitant) est en effet une mesure qui permet dapprécier et de comparer, dans le temps et dans lespace, la rareté ou labondance de la base des ressources par rapport aux besoins.
Limportance de ce paramètre est mise en évidence par ces quelques chiffres donnés par Pierre Gourou à propos de la performance et de lévolution comparée des systèmes agricoles dans le monde. "La seule production vivrière spontanée (cueillette, chasse, pêche) ne peut nourrir plus dun habitant par km2. Une agriculture par essartage peut nourrir jusquà une vingtaine de personnes par km2 de surface générale. Une agriculture intensive peut nourrir plusieurs centaines dhumains par km2. Si elle est manuelle cependant, elle ne laissera, après avoir alimenté les agriculteurs, quun faible excédent de denrées pour la vente. (Cest exactement le cas du Burundi depuis plusieurs décennies puisque la densité moyenne est de 206 habitants au km2 en 1990 alors que le niveau de vie de limmense majorité des habitants reste au seuil de lautosubsistance). Si par contre elle est mécanisée et perfectionnée, elle pourra exploiter un km2 par deux ou trois personnes actives, tout en produisant assez de calories pour nourrir un millier de personnes".
Dans le cas du Burundi, la pression de population est aujourdhui cruciale sur la gestion du territoire car, étant significativement croissante en labsence de réels progrès techniques, elle entraîne la dégradation de lenvironnement. Elle a en effet étendu, presque à lextrême, les défrichements au détriment des forêts ou des réserves naturelles ; puis localement usé le sol en écourtant de plus en plus la jachère sans apports compensatoires suffisants de fertilisants.
2.1.2. Les conflits dans les rapports juridiques et sociaux | MENU
Les rapports juridiques et sociaux dun territoire définissent les conditions daccès à ses ressources, notamment le régime foncier dont la tendance générale dévolution va de la propriété collective à lappropriation individuelle. En effet, à partir du système de propriété communautaire traditionnelle, généralement considérée comme le plus primitif, deux évolutions sont ordinairement observées : celle qui conduit de la propriété collective de tribu ou de village à la propriété individuelle, et celle qui aboutit à la distinction de fait entre propriétaires de la terre et ceux qui la travaillent. Ces deux évolutions sont souvent synchrones mais indépendantes lune de lautre.
Pierre George donne une explication très intéressante à cette double évolution. "Lapparition de la notion juridique de propriété individuelle traduit une transformation fondamentale des coutumes. Elle signifie le passage de la notion de responsabilité et dutilisation collective à celle de responsabilité et dutilisation individuelle. Elle suppose effectué le passage de la notion dusage à la notion de profit et, au-delà, à la création de systèmes sociaux superposant la notion de profit et la notion dusage. Autrement dit, la propriété de la terre donne droit à un prélèvement sur les ressources de la terre, même si elle est travaillée par dautres qui en ont lusage moyennant le paiement dun loyer. A cet égard, le système le plus compliqué est le système seigneurial prévoyant prélèvement des droits seigneuriaux (léquivalent de limpôt foncier prélevé par lEtat moderne) sur une terre possédée par une personne physique qui nest pas nécessairement exploitant et qui peut louer la terre à des fermiers".
Les rapports juridiques et sociaux renferment par ailleurs deux notions couramment utilisées en gestion du territoire. La première est "le substrat foncier" : types de propriété, leur répartition par catégories de propriétaires (petits et grands propriétaires par exemple), le degré de morcellement et denchevêtrement des terres en relation avec le régime successoral, etc. La deuxième est "la condition dexploitation", cest-à-dire le rapport entre la propriété et lusage effectif des terres : faire-valoir direct avec ou sans salariat, métayage ou location moyennant partage conventionnel des fruits, fermage ou location moyennant rente fixée par contrat et qui peut être libellée en nature ou en espèce, etc.
Au Burundi, le substrat foncier est dominé par la micro-propriété paysanne dun hectare environ destinée à nourrir une famille de cinq personnes en moyenne. Par ailleurs, la condition dexploitation dominante est le faire-valoir direct ; mais il existe aussi des prêts amicaux et des locations contractuelles de parcelles pour compléter la taille de lexploitation vis-à-vis des besoins alimentaires et monétaires de la famille.
Au cours des années 70 et 80, de grandes propriétés (de lordre de dizaines dhectares) ont été constituées surtout dans la région de Rumonge et dans la plaine de la Rusizi au profit de la nomenklatura politique ou militaire et au détriment de populations locales massacrées ou exilées. Ainsi, en ville et surtout à la campagne, le génocide de 1972 et certaines politiques de "développement rural" des années 80 ont généré un conflit foncier dune ampleur sans précédent dans la mémoire collective des Burundais : plusieurs milliers de litiges fonciers et/ou immobiliers ont vu le jour suite à lordre intimé aux réfugiés par le Premier ministre de lépoque (Albin Nyamoya) de rentrer au pays avant le 12 novembre 1972 sous peine dêtre considérés comme étrangers et de perdre leurs biens. Et ceux qui sont rentrés dans la foulée de cette menace ont été exécutés.
Depuis lors, des terres, des biens immobiliers, des cultures pérennes comme les palmeraies et les bananeraies, du bétail et des comptes bancaires (dans certains cas seulement) appartenant à des populations exterminées ou exilées (hutu en quasi totalité) ont été confisqués par leurs voisins tutsi ou revendus par lEtat. Et si lon en croit Jean-Marie Sindayigaya, le Ministre de lIntérieur (le commandant Stanislas Mandi) aurait même édicté une ordonnance autorisant "les familles tutsi venant du Mugamba et dailleurs à sinstaller dans les maisons et les propriétés laissées par les victimes et les exilés hutu dans la fertile et riche plaine de lImbo".
Ainsi naquit, au sein de lEtat burundais, lextorsion intermittente mais massive de terres paysannes sous prétexte de récupération de biens abandonnés ou sous couvert dexpropriation pour cause dutilité publique (projets de développement ou concessions minières) mais en réalité pour appropriation gratuite de celles-ci au bénéfice de dignitaires ou damis du régime, comme lillustrent les deux exemples ci-après.
- Le 11 février 1999, dans le contexte bien connu de la crise structurelle burundaise transformée en une guerre civile, le gouvernement illégal et illégitime du major Pierre Buyoya octroie à la société multinationale Andover Resources une concession exclusive de recherche et dexploitation des ressources minières dune région du Burundi pour une durée allant jusquà 48 ans. Il sagit des sites de Musongati au nord de la province de Rutana, de Waga en province de Gitega et de Nyabikere au sud de la province de Karuzi. Ces gisements contiennent une variété étendue de métaux exploitables : nickel, cuivre, cobalt, titane, platine, etc. La convention permet à Andover Resources de prendre et dutiliser tout ce que bon lui semble dans le cadre de ses activités, non seulement le nickel, le cobalt et le cuivre, mais aussi tout autre métal ou substance de valeur ; y compris le bois, le sol, les pierres, le sable, le gravier, la chaux, le gypse, leau et tous les autres matériaux et produits qui pourraient être utiles. Dans cette convention, les visées scélérates du régime Buyoya sont certes innombrables ; mais seule lextorsion des terres paysannes est explicitée ici. Larticle 18 de la convention précise à cet égard que les habitants seront déplacés vers dautres lieux, sous réserve que la société mixte (créée par la même convention) paiera une indemnité juste et raisonnable, conformément à la loi sur lexpropriation pour cause dutilité publique. Mais en réalité, les habitants de cinq secteurs sur les douze que compte la commune de Musongati ont été aussitôt sommés, sans indemnisation préalable, de vider les lieux pour aller défricher la vallée de la Malagarazi en commune Giharo (30 km à vol doiseau) avec le surplus de désagréments que lon sait : nouvelles souches de malaria, absence deau potable, maladie du sommeil, etc.- Dans une affaire plus récente (octobre 2000), les habitants de trois collines (Karindo, Mikurira et Birongozi) qui jouxtent le centre administratif de Rutana ont été sommés de quitter leurs propriétés endéans six mois et davoir enlevé tout ce qui peut lêtre au plus tard le 28 février 2001. Ces paysans sont en fait contraints de laisser la place à lévêque catholique du diocèse de Bururi, Monseigneur Bernard Bududira, qui voudrait y implanter deux projets. Cest, daprès Burundi-Bureau, "un village denfants SOS à limage de ceux de Bujumbura qui naccueillent que des enfants de parents riches de Bujumbura, alors que le fondateur des villages denfants SOS, Hermann-Gmeiner, voulait que tous les enfants aient accès à linstruction, en particulier les orphelins et les pauvres. En plus de ce village denfants SOS, lévêque voudrait y installer un projet agro-pastoral pour le laïcat, lequel appartiendrait à un officier supérieur".
En marge de cette extorsion de terres ponctuellement pratiquée par les régimes totalitaires tutsi depuis 1972, le système foncier traditionnel revêt un aspect conflictuel qui lui est propre. Ce conflit réside, comme nous aurons loccasion de létayer au point suivant, dans une dynamique de morcellement et denchevêtrement de plus en plus inouïs des terres agricoles en rapport avec le système de succession.
2.1.3. Les conflits dans les rapports daménagement et dutilisation | MENU
Les rapports daménagement et dutilisation indiquent la structure daffectation des ressources dun territoire. Et dans la définition de ces rapports interviennent la structure et la distribution de lhabitat (urbain et rural), limportance et la distribution du tissu industriel, limportance et la distribution de linfrastructure dénergie, de transport, de communication et autres services, limportance et la position des terres de cultures par rapport aux forêts, aux pâtures, aux friches, aux réserves naturelles, aux plantations, aux espaces aquatiques, aux terres incultes, aux mines et carrières, etc. Cest en somme la physionomie du territoire ou son ordonnance géographique engendrée par lagencement de tous ces réseaux sectoriels qui constituent le tissu technologique global du pays.
Au Burundi, le régime foncier et le régime daménagement et dutilisation du sol sont de plus en plus déstabilisés par le système de succession dont leffet pervers est aujourdhui mis en relief par la pression démographique contemporaine. Il faut savoir à cet égard que le mode dacquisition principal des terres demeure jusquà présent lhéritage. A chaque génération, lexploitation est par conséquent morcelée en autant de parties quil y a de descendants mâles.
Attesté par un habitat dispersé et par une taille très modeste des exploitations paysannes, le morcellement du paysage agricole est dautant plus complexe que ces exploitations ne sont plus dun seul tenant car, dans la tradition burundaise, la terre déjà appropriée est partagée, pièce par pièce, à parts égales entre héritiers. Le parcellaire qui en résulte forme un puzzle de très petites exploitations agricoles fort enchevêtrées, dont les pièces de chacune sont spatialement dispersées.
Ainsi, la déstabilisation sociale induite par ce processus se manifeste avant tout à la croissance exponentielle des délimitations des parcelles (par des haies vives ou des fossés) gaspilleuses de superficies de cultures et/ou favorables à lérosion ravinante. En plus, laccès de chaque exploitant et de son bétail à lensemble de ses champs est depuis longtemps impossible sans causer des dommages de passage aux champs dexploitants voisins.
2.2. La criminalisation du pouvoir dans la politique de développement | MENU
La perversion socio-économique du pouvoir est nettement plus explicite dans la politique de développement que dans la gestion du territoire. Elle fait des ravages aussi bien dans la politique du développement agricole que dans la politique du développement industriel : ruine de lagriculture paysanne, maintien du régime daccumulation coloniale et blocage de lesprit dinitiative locale.
2.2.1. La ruine de lagriculture paysanne | MENU
Malgré ses contraintes écologiques, sociales et démographiques, lagriculture burundaise a montré au cours de la deuxième moitié du 20ème siècle une remarquable capacité dadaptation : les "famines périodiques" de lépoque coloniale et précoloniale ne sont plus quun mauvais souvenir.
Cest parce que les paysans, par extension des terres agricoles dans un premier temps au détriment des pâturages collectifs et par intensification de leur force de travail ensuite, ont réussi à empêcher toute rupture alimentaire par le biais dun ajustement boserupéen : un processus fortement endogène dadaptation successive des pratiques agricoles fondé sur lintensification à base du travail qui permet notamment de réaliser plusieurs récoltes annuelles sur les mêmes champs rien quavec lutilisation du fumier ou du compost . Dans le cas du Burundi et des régions voisines, le processus de Boserup a été vérifié par des travaux scientifiques suffisamment approfondis et convaincants ; on ne sy attardera donc pas.
Mais cette capacité dadaptation paysanne est de plus en plus menacée et serait même déjà bloquée par lattitude criminelle de lEtat que nous avons déjà relevée à plusieurs reprises. "En effet, remarque à cet égard Etienne Verhaegen, des contraintes quon pourrait globalement qualifier dinstitutionnelles pèsent sur les systèmes agricoles et bloquent tous processus de modernisation et daccumulation".
- Sur le plan économique, le secteur agricole a toujours constitué, et constitue encore, la principale source de revenus de lEtat. En effet, la structure des exportations est dominée très largement par le café, le thé et le coton (seulement jusquen 1990). Par conséquent lEtat, via les structures de vulgarisation et les règlements administratifs, a toujours poussé la culture de ces produits, souvent de manière autoritaire. Or le café, le thé et le coton, sils assurent un apport monétaire indispensable à lexploitant, ils nen sont pas moins des spéculations peu rentables pour lui, surtout en termes de rémunération par heure de travail, principalement à cause des prélèvements fiscaux. Hakim Ben Hammouda a montré en effet en 1992 que les prélèvements de valeur ajoutée effectués par lEtat sur le travail de la paysannerie via les cultures de rente sont très considérables.- Sur le plan de lécologie agricole, les cultures de rente sont responsables dun transfert horizontal de fertilité très important des parcelles vivrières (principalement les bananeraies) vers les parcelles de café. En effet, les paysans sont tenus de pailler les caféières, cest-à-dire obligés de détourner quantités de déchets organiques au profit de la fertilité et de la protection de ces seules parcelles. Cest donc par ce mécanisme, en partie du moins, que la sécurité vivrière du Burundi postcolonial est de plus en plus menacée.
- Sur le plan technique, si la vulgarisation agricole a bien joué son rôle pour les cultures de rente, elle na pas réussi par contre à donner un coup de pouce significatif à lagriculture vivrière et lélevage. Elle aurait plutôt généré une sorte de résistance de la part des producteurs. Linterprétation de cette attitude comme un traditionalisme invétéré des paysans burundais ou un attachement de leur part borné aux routines du passé, doit être définitivement abandonnée car les paysans burundais font preuve dune très grande capacité de changement, mais seulement quand celui-ci correspond à leurs attentes et nentraîne pas de risques inacceptables. En réalité et malgré les professions de foi si souvent affirmées sur limpérieuse nécessité daccroître la production vivrière notamment à loccasion de chaque nouveau plan quinquennal de développement, lagriculture vivrière a toujours été marginalisée par rapport aux cultures de rente dans la politique agricole burundaise. De plus, les thèmes proposés par les services dencadrement agricole sont rarement convaincants pour les agriculteurs puisque ceux-ci y trouvent toujours les mêmes désagréments : faible rentabilité monétaire, exigence disproportionnée en surcroît de travail, etc. En plus, les messages sont diffusés par des canaux peu appropriés, de manière directive, exclusive et unilatérale. Ainsi les paysans burundais reconnaissent dans ces structures dencadrement la main du pouvoir étatique avec toute la pression économique et politique y afférent.
Cependant, les obstacles institutionnels à lépanouissement de la paysannerie ne se limitent pas à ses rapports avec lEtat. Entre commerçants et producteurs de denrées agricoles, le rapport de force est défavorable à ces derniers car ils ne sont pas organisés, agissent individuellement, manquent totalement dinformations, se font rouler au pesage de leurs livraisons, sont souvent contraints de vendre leurs récoltes à nimporte quelle condition pour rembourser une dette, payer une taxe, acheter un produit de première nécessité, etc. Ils sont donc dans une situation où leurs gains de productivité sont automatiquement interceptés par les filières commerciales, elles-mêmes contrôlées par lEtat notamment par le biais dusines de dépulpage du café cerise et dusine de traitement du thé vert. On comprend dès lors que les paysans nont aucune marge incitative à linvestissement, que ce soit pour redresser la fertilité des champs, relever les rendements ou lutter contre lérosion.
- Parallèlement aux prélèvements effectués sur la paysannerie au profit de lEtat ou dautres couches sociales, il faut souligner un mouvement de détérioration des termes de léchange paysan par rapport au reste de léconomie. Selon une étude réalisée en 1989, les termes de léchange paysan ont connu un taux de croissance annuel moyen de -4,3% durant la période de 1970-1982. Et à partir de 1982, la détérioration des termes de léchange paysan sest aggravée : -16,4% par an en moyenne.Enfin, si les activités agricoles offrent peu de perspectives encourageantes, celles des activités non agricoles ne sont pas meilleures. Les employeurs, quils soient étatiques ou privés proposent des conditions de travail souvent précaires et des salaires dautant plus bas que le coût dopportunité du travail agricole est proche de zéro. Quant aux créneaux dactivités commerciales, ils sont étroitement contrôlés par quelques notables proches ou faisant partie de la sphère étatique. Tandis que les activités artisanales, elles sont limitées par la faiblesse du pouvoir dachat de la paysannerie.
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Vu lénorme pression du fisc et de la traite sur le travail des populations rurales ainsi que les multiples désagréments quentraîne le modèle de développement agricole imposé par lEtat, on comprend finalement le fait que les paysans burundais aient choisi le "repli stratégique", cest-à-dire la résistance passive aux injonctions politiques et techniques qui les précipiteraient aussitôt dans les pires travers de la mondialisation. Ainsi sest développé, en cercle vicieux, le marasme économique et social du Burundi contemporain dont les facteurs prépondérants sont le maintien délibéré du régime daccumulation coloniale et le blocage de lesprit dinitiative locale.
2.2.2. Le maintien du régime daccumulation coloniale | MENU
Pour expliquer le marasme économique et social du Burundi, lon met toujours en avant la pénurie des capitaux. Certes, les ressources financières du Burundi dévolues à linvestissement sont minimes. En 1991, son produit intérieur brut par habitant est de 210 $US, ce qui le place vers le bas de léchelle parmi les pays les moins avancés de la planète. La même année, ses investissements sont de 36,8 milliards de FBU, dont 19,2 milliards pour ladministration publique, 13,9 milliards pour les entreprises publiques et 1,8 milliards pour les entreprises privées. En devise américaine, ce programme dinvestissement est de 203 millions de $US, dont 106 millions pour ladministration publique, 77 millions pour les entreprises publiques et 10 millions seulement pour les entreprises privées.
Lon sait aussi que pour son fonctionnement et pour ses investissements, lEtat burundais vit énormément de ressources financières extérieures, notamment de crédits et daides publiques au développement. En 1991 par exemple, laide internationale était de lordre de 300 millions de $US.
Lon sait également que la structure de linvestissement est très largement dominée par un acteur : lEtat. Cela est dailleurs bien exprimé par les données de 1991 : un peu plus de 90% de linvestissement sont en effet assurés par lEtat, un peu moins de 5% par le secteur privé et le reste par des réalisations mixtes.
Lon sait enfin quune part importante de cet investissement public (58% en 1991) est réalisée dans ladministration, principalement dans des structures de prestige ou de répression ainsi que dans de lourdes subventions récurrentes aux nombreuses entreprises publiques et aux Sociétés Régionales de Développement en déficit chronique ; nous aurons loccasion de préciser ce problème au point 2.2.3.
En réalité, dans le marasme économique et social du Burundi, le handicap de premier plan nest pas la pénurie des capitaux. Cest plutôt le manque de volonté politique qui se traduit par le maintien délibéré dun régime daccumulation coloniale et lorientation subséquente des investissements dans cette structure économique extravertie qui, non seulement empêche la diffusion de lesprit dinitiative et par là même lépanouissement dune classe moyenne locale entreprenante, mais aussi enfonce chaque jour davantage la paysannerie dans la grande pauvreté par surexploitation, comme nous lavons souligné au point 2.2.1.
Comparativement à ce diagnostic, les trois militaires présidents successifs du Burundi sont curieusement très affirmatifs sur la responsabilité politique dans le développement du marasme économique et social du pays. Ils stigmatisent en effet, chacun à son tour dans le premier message à la nation pour justifier son putsch, "lincohérence dune politique économique favorisant particulièrement la croissance dune classe de fonctionnaires et de privés, tant nationaux quétrangers, rompus aux techniques de la spéculation, de la corruption et de la fraude". Mais, nonobstant le rituel de leurs dénonciations successives et malgré leurs promesses les plus révolutionnaires, les trois militaires présidents nont rien changé dans la structure économique du pays. Celle-ci contient encore aujourdhui exactement les composantes fondamentales des conceptions et des orientations originelles (cest-à-dire coloniales) que même un code dinvestissements très généreux et un régime de zone franche ultra-libéral instaurés par la troisième république ne parviennent pas à modifier.
Le code dinvestissements | MENU
Le code des investissements, dans sa version actuelle (1987/1990), est effectivement très généreux à légard des investisseurs. Avant la promulgation de celui-ci, il ny avait quun régime de droit commun qui naccorde le moindre avantage particulier à aucun opérateur économique. Ce régime reste aujourdhui accessible à tout candidat investisseur moyennant les seules prescriptions de droit commun relatives à la création ou à lextension dentreprise, notamment linscription au registre de commerce, le dépôt des statuts pour la société nouvellement créée ou modifiée et quelques autres conditions requises pour être commerçant.
La spécificité du code dinvestissements réside dans les dispositions suivantes. Que ce soit un projet dentreprise du secteur artisanal (investissement inférieur ou égal à 5 millions de FBU et création dau moins 5 emplois permanents), un projet dentreprise du secteur des PME (investissement compris entre 5 et 20 millions de FBU et création dau moins 10 emplois permanents) ou un projet dentreprise de grande taille (investissement supérieur à 20 millions de FBU et création dau moins 15 emplois permanents), lon ne peut accéder aux avantages du code dinvestissements que sur présentation dun dossier de demande. Les projets agréés bénéficient alors de mesures dexonération et/ou dallégement fiscal suivantes : -(1) exonération totale ou partielle des droits de douane à limportation sur les équipements de production, sur le lot initial des pièces de rechange et sur les matières premières pour une période de 5 ans et -(2) exonération totale ou partielle, pour une période ne pouvant excéder 8 ans, dimpôt sur les bénéfices, dimpôt mobilier et dimpôt foncier.
Mais tant que la crise politique de la société burundaise reste traitée par la force militaire, cette générosité du code dinvestissements napporte pas de remède décisif au marasme économique et social du pays. Comme le reconnaissait dailleurs le Ministre des Finances Gérard Niyibigira juste avant les élections de juin 1993, "linvestissement escompté na pas suivi. Pourquoi? Comme vous le savez, personne ne peut investir dans un pays sil nest pas sûr de récolter ses dividendes afin de sauvegarder son entreprise et den récolter les fruits. Or depuis lindépendance, le pays a connu de nombreux soubresauts, ce qui représente un élément très important pour les investisseurs, aussi bien étrangers que nationaux. Si lon ne peut garantir la stabilité à ces investisseurs, la libéralisation du code des investissements ne servira à rien".
Le régime de zone franche | MENU
Le régime burundais de zone franche, "le plus généreux et le plus souple dAfrique" ou encore "un des régimes les plus généreux et les plus libéraux du monde" selon Afrique Business Magazine, instauré en 1992 par le Président Buyoya soi-disant pour lever la dépendance que le Burundi a vis-à-vis du café en attirant davantage dinvestisseurs qui produiraient pour lexportation, accentue la générosité du code dinvestissements, en particulier à légard dinvestisseurs étrangers dont les profits rapatriés y sont singulièrement favorisés par rapport aux profits prélevés par le fisc. "Au lieu dune zone franche géographiquement délimitée, avec une administration et des infrastructures propres, le Burundi propose un régime de zone franche garantissant tous les avantages et toutes les incitations dordre fiscal et douanier quoffre une zone franche délimitée géographiquement avec les coûts dinvestissement initial et de gestion, en moins. Ce régime tend à faire de tout le territoire du Burundi une zone franche. Ce régime accorde une série davantages dont voici la liste : -(1) lexonération totale des impôts sur les bénéfices de lentreprise pendant les dix premières années de son exploitation ; à partir de la onzième année et pendant toute la vie de lentreprise, limpôt sur les bénéfices serait de 15% (contre 45% dans le régime de droit commun) ; -(2) lexonération du paiement des impôts sur les dividendes distribués aux actionnaires de lentreprise pendant toute la vie de celle-ci ; -(3) lexonération du paiement des taxes indirectes en vigueur ou à créer ; -(4) lexonération du paiement des droits de douane sur les biens importés par lentreprise ; et -(5) le droit de détention et de libre utilisation des comptes étrangers. De plus, certaines dispositions relatives au code du travail sont prévues pour les entreprises franches".
Pour le même motif de crise politique structurelle évoqué précédemment à propos du code dinvestissements, le régime de zone franche ne change rien au marasme économique et social du pays. En réalité, il ne fait que renforcer la sympathie de certains décideurs occidentaux à légard du régime totalitaire tutsi dont la survie est considérée par eux comme la seule garantie dapplication dun tel projet de braderie économique du Burundi. Aussi, vu limportance des avantages que ce régime de zone franche accorde aux investissements étrangers orientés vers les produits dexportation sans lobligation dune incorporation substantielle des ressources locales, il risque de renforcer la dépendance extérieure de léconomie du pays.
2.2.3. Le blocage de lesprit dinitiative locale | MENU
Une fois de plus, cest la politique parasitaire de lEtat à légard de la société burundaise qui pose problème. Rien quavec les obstacles déjà identifiés (la centralisation abusive du système politico-administratif, la ségrégation ethnique et régionale du système éducatif, et lécrémage systématique de la valeur ajoutée sur lactivité rurale), une société civile digne de ce nom et un entrepreneuriat populaire ne peuvent en effet voir le jour. Pourtant, à la base de la pyramide sociale, il y avait une ambiance propice ou plus exactement une plate-forme juridique (ubushingantahe) qui prédisposait le pays à lenracinement dune société civile authentique et au développement de lesprit dentreprise puisque, assure-t-on, les litiges étaient tranchés dans les meilleurs délais et à la satisfaction générale des communautés locales. Malheureusement, mus par le principe de diviser pour régner, lEtat colonial et lEtat postcolonial ont tout fait, chacun à sa manière, pour démanteler cette plate-forme.
Cependant, la promotion des PME (petites et moyennes entreprises) et des associations coopératives est généralement inscrite dans les programmes politiques des gouvernements qui se sont succédés de la colonisation à nos jours. Quest-ce qui bloque alors lémergence de lesprit dentreprise? Notre hypothèse à cet égard sénonce ainsi : les politiques de promotion ont bloqué elles-mêmes ce quelles étaient censées promouvoir car, quel que soit le gouvernement considéré, la politique en cette matière est entachée dambiguïté ou de paternalisme pour "tenir" à son insu la paysannerie.
Les politiques de promotion économique et sociale sous le régime colonial | MENU
Lidéologie et la pratique de léconomie coopérative sont incontestablement dorigine coloniale. Les règles coopératives introduites à cette époque au Congo belge et au Ruanda-Urundi sadressaient dailleurs au colonat européen établi dans ces territoires. Mais quelques années avant lindépendance, elles ont été étendues aux communautés autochtones notamment par le biais du décret du 16 août 1949 sur les coopératives indigènes et du décret du 24 mars 1956 abrogeant et remplaçant celui du 16 août 1949.
Suite à ces dispositions juridiques, la coopération entre indigènes a fait son apparition et sest quelque peu développée au Burundi depuis 1951. Au cours des onze dernières années de régime colonial en effet, elle a pris quelque envergure dans le domaine de la consommation, dans celui du traitement du café cerise et surtout dans celui de la collecte du café parche (sur instigation de lOffice des Cafés Indigènes du Ruanda-Urundi -OCIRU- dans ces deux derniers domaines). Au total, 17 grandes coopératives ont été créées et prospéraient au Burundi entre 1951 et 1961. Mais comme lindique avec pertinence une note du Ministère du Développement Rural en 1992, la politique coloniale en la matière ne manquait pas dambiguïté de nature à miner le fonctionnement des coopératives créées. "A lépoque coloniale, les bénéficiaires de léducation et de la formation coopératives étaient les fonctionnaires locaux en vue de bien les préparer à être de bons dirigeants une fois élus dans les organes (des coopératives qui seraient constituées)".
Les politiques de promotion économique et sociale sous la monarchie et la première république | MENU
A laube de lindépendance, la sollicitude des responsables publics à légard de lentrepreneuriat populaire émanait essentiellement du Prince Louis Rwagasore qui, au cours de sa campagne électorale en faveur de son parti UPRONA, ne cessait dinviter la population à se regrouper en coopératives. Et pour donner lexemple, il assurait que "le gouvernement créera une coopérative de commerçants à léchelle nationale et la dotera dun capital initial. Cette coopérative aura pour mission dinstaller au Burundi un réseau de magasins de gros au service des commerçants locaux. Cette coopérative recevra seule les licences dimportation pour une série darticles dont la liste sera établie par le ministère compétent. Les bénéfices de cette coopérative serviront à son autofinancement et ne seront pas distribués. Les communes seront autorisées, dans les limites à fixer, à analyser auprès de la coopérative, les engagements de leur ressort".
Son assassinat le 10 octobre 1961, dix jours après sa victoire électorale, enterra pour longtemps toute préoccupation coopérative dans la sphère des pouvoirs publics. La seule promotion du mouvement coopératif qui resta en piste est celle assurée par les missions chrétiennes, notamment lEglise catholique, surtout dans le domaine de lapprovisionnement et de la commercialisation. Dans cet encadrement privé, "léducation et la formation ont été focalisées sur le coopérateur. Il fallait à tout prix que ce dernier connaisse au moins les principes et la doctrine coopératifs". Comme nous aurons loccasion de lépingler plus loin, la singularité qualitative de cet encadrement privé est perceptible dans la performance des coopératives concernées.
Les politiques de promotion économique et sociale sous la deuxième république | MENU
A la différence des gouvernements précédents, les pouvoirs publics sont résolus à mettre le paquet sur lencadrement coopératif de la population. Un Département des coopératives est créé en novembre 1976 au sein du Ministère de lAgriculture, de lElevage et du Développement Rural. Un Centre de Formation Coopérative (CEFOCOOP) est également créé en octobre 1978 pour doter ce département dun personnel qualifié ; ce centre sera ensuite intégré, sous forme dune section, à lEcole Supérieur de Commerce ouverte quelques années plus tard.
Cest à partir de cette époque que laide étrangère est massivement orientée dans ce secteur. Rien que sous le régime Bagaza (1976-1987), cette aide sélève à environ un demi milliard de FBU (voir tableau 3) ; ce qui est très considérable lorsquon sait quen 1979-1980, des "Sociétés Régionales de Développement" (SRD) grassement financées ont été mises en place avec des objectifs à certains égards assez similaires.
Le concept de Société Régionale de Développement est apparu en effet au début du régime Bagaza dans le contexte dune politique gouvernementale visant officiellement à régionaliser le développement agricole. Appuyées à lépoque par lexpertise de la Banque mondiale, les SRD ont été créées dans le but dintégrer les services agricoles gouvernementaux en une seule organisation par région. Et leurs activités ont été étendues en une très large gamme dopérations : eau potable, habitat, soins de santé, intrants agricoles, vulgarisation, assistance à la commercialisation des produits agricoles, etc.
Au nombre de 13 en 1985, les SRD exercent chacune son autorité sur une superficie très étendue qui ne recouvre exactement ni le territoire provincial ni le contour traditionnel de la région naturelle même si elle en porte le toponyme (voir tableau 4). Et bien quelles sont en principe structurées comme des sociétés privées devant faire des bénéfices, elles diffèrent de ces dernières par le fait que le gouvernement possède 100% du capital et que les dirigeants des SRD sont davantage responsables de leurs actes devant le Ministre de lAgriculture quils ne sont contrôlés par un conseil dadministration.
Tableau 3. Intervention des bailleurs de fonds dans le secteur coopératif sous la deuxième république (extrait dune note déjà citée du Ministère du Développement Rural, 1992, pp. 21-22) | MENU
Organisme intervenant |
Période dintervention |
Projet destinataire |
Montant en FBU |
FKA (Fondation Konrad Adenauer, Allemagne) | 1981-1986 |
Coopératives rurales de Bururi | 64.194.450 |
FKA (Fondation Konrad Adenauer, Allemagne) | 1983-1986 |
Appui au mouvement coopératif au niveau national | 45.360.000 |
PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) | 1983-1986 |
Consolidation du mouvement coopératif | 54.243.329 |
Fond dAide Alimentaire Belge | 1984-1985 |
Coopératives de Rutana | 6.041.410 |
AFPV (Association Française des Volontaires du Progrès) | 1983-1987 |
Projet de coopératives primaires de Muramvya | 45.365.995 |
UNICEF (Fonds des Nations Unies pour lEnfance) | 1986-1987 |
Technologie appropriée coopérative | 6.278.416 |
UNICEF (Fonds des Nations Unies pour lEnfance) | 1986-1988 |
Projet de promotion féminine et de moulins coopératifs | 26.533.500 |
FNU (..) | .. |
Projet de moulins coopératifs | 80.484.950 |
CICM (..) | 1984-1987 |
Coopératives dépargne et de crédit (COOPEC) | 54.243.329 |
FAC (Fonds dAide et de Coopération) | 1984-1986 |
Coopératives dépargne et de crédit (COOPEC) | 12.998.222 |
CECI (Centre Canadien dEtudes et de Coopération internationale) | 1986 |
Projet coopératif des provinces de lEst | 5.000.000 |
DELIPRO (Centre dAide au Développement dans la Liberté et dans le Progrès, Belgique) | 1982-1986 |
Projet coopératif de Kirundo | 21.729.975 |
HCR (Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés) | 1986 |
Coopérative de pêche sur le lac Rweru | 4.737.709 |
Ambassade des Etats Unis | 1986 |
Coopérative de Vumbi (financement dune décortiqueuse du riz) | 940.000 |
Gouvernement Belge | 1984-1985 |
Coopératives de Cibitoke | 12.900.000 |
FED (Fonds Européen de Développement) | 1984-1985 |
Projet de microréalisations (groupements de jeunes à vocation coopérative et unions de coopératives) | 12.239.264 |
FED (Fonds Européen de Développement) | 1984-1991 |
Promotion du mouvement coopératif de Kirundo | 104.460.203* |
TOTAL |
557.750.752 |
.. Donnée manquante
* Une partie de cette somme a sans doute été engagée sous la troisième république
NB. Il est fort possible que quelques intervenants financiers naient pas répondu à lenquête du Ministère du Développement Rural et que par conséquent il ne figurent pas dans ce tableau.
Tableau 4. Les Sociétés Régionales de Développement en 1985 (daprès Jean-Claude Willame, 1992, Les manipulations du développement : ajustement, cogestion et démocratisation au Burundi, Bruxelles, Centre dEtude et de Documentation africaines, Cahier 5/1992, Série 1, p. 40) | MENU
SRD et Projets de développement |
-SRD Buyenzi |
-SRD Kirimiro |
-SRD Mosso |
-SRD Rumonge |
-SRD Imbo |
-SRD Bweru et Kirundo |
-SRD Makamba |
-SRD Nyanza-Lac |
-Projet Mparambo (projet de développement antérieur à linstauration des sociétés régionales de développement) |
-SRD Bututsi |
-SRD Mugamba ou CVHA (cultures vivrières de haute altitude) |
-SRD Commune Isale |
-SRD Kinyinya |
-SRD Kayongozi |
Quant à leur viabilité, les SRD sont confrontées à un certain nombre de déficiences qui remettent en cause leur survie économique : imprécisions du cadre institutionnel, infrastructures immobilières très luxueuses consenties malgré leur contraste violent avec la pauvreté ambiante, charrois automobiles très onéreux, crédits arbitrairement distribués et par conséquent peu recouvrés, etc. Créées en principe pour une durée de vie de 30 ans, les SRD nont pas pu en effet atteindre lauto-suffisance financière au moment prévu : les évaluations tant internes quexternes convergent sur ce constat. Pour en assurer la survie, le gouvernement a dû y injecter annuellement des financements supplémentaires très considérables comme le montre tableau 5 pour lannée 1984.
Tableau 5. Revenu, dépenses et financements requis pour les Sociétés Régionales de Développement (daprès un rapport dévaluation réalisée par la Banque mondiale en 1984 et citée par Jean-Claude Willame, 1992, Op. cit., p. 41) | MENU
SRD ou Région enquêtée |
Revenu (en millions de FBU) |
Dépenses (en millions des FBU) |
Subsides requis (en millions de FBU) |
Buyenzi | 130 |
544 |
414 |
Kirimiro | 84 |
180 |
104 |
Imbo | 347 |
387 |
40 |
Bweru | 30 |
150 |
120 |
Kirundo | 25 |
150 |
125 |
Rumonge | .. |
.. |
40 |
Bugarama | .. |
.. |
125 |
... donnée manquante
Les politiques de promotion économique et sociale sous la troisième république | MENU
Sous la troisième république (1987-1993), le pouvoir militaire tutsi doit, pour bénéficier de nouveaux crédits bon marché et de nouvelles aides publiques au développement, ajuster son discours et sa politique à trois nouvelles donnes imposées par les organisations financières internationales : libéralisation de léconomie, bonne gouvernance de ladministration et démocratisation des institutions. Cest pour cette raison que dès le début des années 90, le pouvoir politique appelle la population à prendre ses destinées en main et à sorganiser pour résoudre ses problèmes.
Sentant donc que la base de la société burundaise lui serait âprement disputée par de nouveaux partis politiques, le régime dut adopter discrètement une stratégie alternative pour ne pas perdre la face vis-à-vis des masses paysannes. Cette stratégie fut dévoilée, daprès Salvator Sunzu, par le Président Buyoya en mai 1991 à Gitega lors de louverture dun séminaire sur le développement en déclarant : "nous devons passer de la trilogie Etat-Parti-Population à la trilogie Etat-Commune-Population" ; mais en réalité, le message avait été délivré deux ans auparavant sous la forme fallacieuse de politique de décentralisation (décret-loi du 8 avril 1989) car il fallait être le premier à occuper le terrain pour être le premier à intercepter les flux dune nouvelle formule de coopération mise au point par les pays de lOCDE : la coopération décentralisée.
Ainsi, Buyoya espérait secrètement garder son emprise sur la base paysanne (95% de la population) en marge de larène urbaine (5%) où il laisserait volontiers saffronter les partis politiques, à la satisfaction des observateurs occidentaux. Pour y parvenir, il misait sur un appui financier au mouvement coopératif via ladministration communale dont il comptait garder quoiquil arrive le pouvoir de nomination ou via une constellation d "ONG communales" acquise à sa cause. Cette stratégie permet alors de comprendre la génération explosive dONG à objectifs socio-économiques ciblées essentiellement sur les communes au cours des années 1990, 1991 et 1992. Cest un phénomène qui a été mis en évidence par Salvator Sunzu en dépouillant pour son mémoire de licence le registre dagrément des ONG tenu par le Ministère de la Justice (voir tableau 6). Par ailleurs, le caractère télécommandé de la genèse de cette constellation ne pouvait tromper personne puisque ce sont les fonctionnaires établis à Bujumbura et acquis à la cause du régime qui sont à lorigine de ces "ONG communales".
Tableau 6. Emergence des ONG à objectifs socio-économiques (daprès le registre du Ministère de la Justice, cité par Salvator Sunzu, 1994, pp. 33-36) | MENU
Année (effectif) |
Dénomination de lONG |
Initiateurs de lONG |
1980 (1) |
- Lions club | - Initiateurs étrangers |
1981 (1) |
- Association pour le bien-être familial | - Nationaux laïcs privés |
1982 |
.. | .. |
(..) |
||
1983 (..) |
.. | .. |
1984 (..) |
.. | .. |
1985 (2) |
- Institut
national pour le développement économique et social - Solidarité enfance Tiers-Monde |
- Initiateurs
étrangers - Nationaux laïcs privés |
1986 (2) |
- Centre
dentraide et de développement au Burundi - Solidarité femmes de Bujumbura |
- Nationaux
laïcs privés - Nationaux laïcs privés |
1987 (1) |
- Association pour le développement économique et social | - Nationaux laïcs privés |
1988 (1) |
- Association agro-touristique | - Nationaux laïcs privés |
1989 (..) |
.. | .. |
1990 (7) |
- Ishirahamwe
ryugutezimbere abakenyezi nabana - Projet de développement et dévangélisation dans le Tiers-Monde - Association burundaise des femmes chefs de ménage - Bureau diocésain de développement de Muyinga - Turisanga - Association pour le développement de la Commune de Ryansoro - Association des éleveurs progressistes de Muramvya |
- Nationaux
laïcs privés - Autorité religieuse - Nationaux laïcs privés - Autorité religieuse - Autorité politique - Autorité politique - Autorité politique |
1991 (8) |
-
Associations des amis de la Commune de Bisoro - Association pour le développement agro-pastoral - Equipe des volontaires pour lalphabétisation et le progrès - Association pour le développement de Ngozi
/ - Association pour le développement de la Commune de Rutovu - Confiturerie de Muramvya - Association pour le développement de la Commune de Muyinga |
- Autorité
politique - Nationaux laïcs privés - Nationaux laïcs privés - Autorité politique - Autorité politique - Autorité politique - Nationaux laïcs privés - Autorité politique |
1992 (24) |
- Association
pour le développement de la Commune de Mabayi - Solidarité pour le développement - Amicale de Burambi - Association pour le développement de Mugongo-Manga - Association des ressortissants de la Commune Bugendana - Association des volontaires du progrès - Association des ressortissants de la Zone de Makamba - Hydraulique et développement rural - Amicale de Kayokwe - Association pour le développement économique de Muramvya - Association pour le développement de la Commune de Bururi - Solidarité des amis de Rusaka - Fondation burundaise contre la pauvreté et pour lautosuffisance alimentaire - Association pour le développement de la Commune de Buzibira - Promotion de lautosuffisance alimentaire et assistance aux orphelins en milieu rural - Mutanga-solidarité - Fondation burundaise contre la pauvreté et pour lautosuffisance alimentaire de la Commune de Buzibira - Association pour le développement de la Commune de Gihanga - Association des natifs, des résidents et des amis pour le développement économique et social de la province de Karuzi - Association pour le développement de la Commune de Ndava - Association pour le développement de la Commune de Matana - Association pour le développement de la Commune de Vyanda - Association pour le développement de la Commune de Mugamba - Association des ressortissants et des amis de la Commune Mukike |
- Autorité
politique - Nationaux laïcs privés - Autorité politique - Autorité politique - Autorité politique - Initiateurs étrangers - Autorité politique - Nationaux laïcs privés - Autorité politique - Autorité politique - Autorité politique - Autorité politique - Nationaux laïcs privés - Autorité politique - Nationaux laïcs privés - Nationaux laïcs privés - Autorité politique - Autorité politique - Autorité politique - Autorité politique - Autorité politique - Autorité politique - Autorité politique - Autorité politique |
1993 (5) |
- Association
pour le développement de la Région de Nkoma - Association jeunesse solidarité - Association jeunesse féminine - Association pour le développement intégré - Centre dappui à lautopromotion |
- Autorité
politique - Nationaux laïcs privés - Nationaux laïcs privés - Nationaux laïcs privés - Nationaux laïcs privés |
.. Valeur nulle
***
Voilà, très succinctement présentées, les politiques déployées au Burundi dans la deuxième moitié du 20ème siècle en faveur de lesprit dentreprise. Ainsi que nous lavons proposé dans notre hypothèse de travail, ces politiques ont produit trop peu deffets dans le sens de cet objectif.
La note du Ministère du Développement Rural révèle à ce sujet qu "entre 1973 et 1986, le nombre net de créations de PME (formelles et informelles) a été denviron 420 : 4.140 créations contre 3.720 fermetures" ; soit une moyenne de 32 PME viables par an. "En comparaison avec le secteur coopératif pour une période plus longue, cest-à-dire de 1971 à 1991, le nombre de coopératives créées sélève à environ 250. Celles qui sont encore fonctionnelles sont au nombre de 107" ; soit une moyenne de 5 coopératives viables par an.
Sagissant de la viabilité même des structures dencadrement, deux travaux scientifiquement autorisés ont posé un diagnostic identique après avoir étudié séparément les projets de développement local mis en uvre depuis le milieu des années 80 dans la province de Ruyigi par deux ONG réputées sérieuses et expérimentées : lAction Aid-Burundi fondée par des Britanniques et lONG de Butezi fondée par des Italiens. Selon ces deux travaux, les ONG, jusquici inaptes à sautofinancer, mettront la clé sous le paillasson dès larrêt des subventions versées à ces projets par les bailleurs de fonds étrangers avec pour conséquence lémiettement inévitable de leurs réalisations.
En ce qui concerne la qualité de lencadrement, le rapport réalisé en octobre 1990 par Andreas Tewinkel pour le compte de la Fondation Konrad Adenauer considère que la palme de qualité revient quasi exclusivement à lencadrement coopératif dispensé par les missions chrétiennes. "Les meilleures coopératives se trouvent dans des provinces où il ny a pas eu de bailleurs de fonds qui ont créé et subventionné les coopératives (par exemple les provinces de Gitega, Cankuzo et Ruyigi). Le signe caractéristique que les coopératives les plus performantes ont en commun est le fait quelles ont été créées par des promoteurs qui étaient bien enracinés dans le milieu local. Dans la plupart des cas, il sagissait des missionnaires".
Quant à lencadrement public, cest la catastrophe. "Le Département des coopératives est dune inefficacité extrême. Avec un effectif très gonflé, il narrive pas à assurer un suivi régulier des coopératives. La faible performance nest pas due à un manque de formation et de moyens, mais à une absence dintérêt, denthousiasme, dimagination et de compétence organisationnelle. La plupart des agents du Département ne peuvent pas être motivés ni à travers un encouragement ni à travers des sanctions. Pas mal dentre eux ont détourné ou volé des fonds des coopératives qui leur étaient confiés. Cette pratique continue. Les bailleurs de fonds et les projets appliquent une approche naïve et malappropriée aux conditions du Burundi. Les projets et lencadrement sont trop chers. Les moyens dépensés ne sont dans aucune mesure justifiés par les résultats actuels ou futurs des coopératives et groupements".
Oligarchie politico-militaire imbue dune idéologie de supériorité "raciale" et insoucieuse des problèmes de société, personnification excessive du pouvoir par les chefs militaires successifs issus de la même ethnie (tutsi), du même clan (hima), de la même province (Bururi) et de la même commune (Rutovu), processus de "patrimonialisation" des ressources du pays où le pouvoir dEtat est lunique moyen daccumulation privée de richesse ; voilà les ingrédients essentiels de la criminalisation socio-économique du pouvoir telle quelle est pratiquée au Burundi depuis le milieu des années soixante. Dans ce contexte, la minorité privilégiée jouit en permanence de passe-droits : postes de haute responsabilité, avantages extra-salariaux, commissions occultes, crédits sur crédits, extorsions de terres paysannes, etc.
Pour assurer ces privilèges, le régime totalitaire tutsi dut faire main basse sur les instruments de la sécurité publique et de la justice avec les conséquences dramatiques que lon sait : violation fréquente et massive des droits de lHomme, crimes contre lhumanité et génocide sélectif. Le régime totalitaire tutsi dut également faire main basse sur léconomie à telle enseigne que lEtat occupe une position très dominante dans lactivité économique du Burundi. Le secteur moderne de celle-ci a été littéralement investi par lEtat à travers lédification dune série dentreprises publiques moyennant essentiellement les aides et les crédits extérieurs. Avec ses 86 entreprises publiques répertoriées en 1990, le caractère étatique de léconomie burundaise est relativement plus massif que chez le grand voisin zaïrois dont le portefeuille comptait à cette époque 122 entreprises publiques ou mixtes.
Le revers de la médaille, au Burundi comme au Zaïre, est le renforcement de la dépendance économique extérieure héritée de la colonisation, avec en plus une contrainte de plus en plus insoutenable : le poids de la dette publique extérieure. En 1973, la dette publique extérieure du Burundi représentait à peine un cinquième des recettes totales de lEtat. En 1980, les deux paramètres étaient presque à égalité. En 1993, la dette publique extérieure est plus de cinq fois supérieure aux recettes (voir tableau 7).
Tableau 7. Evolution des recettes totales et des dépenses totales de lEtat ainsi que de la dette publique extérieure du Burundi (daprès la base des données du Fonds Monétaire International, Statistiques financières internationales : annuaire 2000, pp. F332-F333) | MENU
Année |
Recettes totales de lEtat (en milliards de FBU) |
Dépenses totales de lEtat (en milliards de FBU) |
Dette publique extérieure (en milliards de FBU) |
Rapport Dette pub. ext. / Recettes totales (en pourcentages) |
1970 |
2,159 |
2,056 |
0,639 |
29,60 |
1971 |
2,368 |
2,061 |
0,651 |
27,49 |
1972 |
2,588 |
2,405 |
0,589 |
22,76 |
1973 |
2,806 |
2,693 |
0,562 |
20,03 |
1974 |
3,221 |
3,002 |
0,629 |
19,53 |
1975 |
3,169 |
3,305 |
1,726 |
54,47 |
1976 |
5,030 |
4,868 |
2,026 |
40,28 |
1977 |
7,138 |
6,748 |
3,449 |
48,32 |
1978 |
9,240 |
9,259 |
5,353 |
57,93 |
1979 |
11,052 |
10,985 |
8,437 |
76,35 |
1980 |
11,441 |
13,149 |
11,030 |
96,41 |
1981 |
12,321 |
14,194 |
13,025 |
105,71 |
1982 |
14,047 |
15,409 |
16,276 |
115,87 |
1983 |
12,856 |
13,774 |
32,368 |
251,77 |
1984 |
16,351 |
16,119 |
41,099 |
251,35 |
1985 |
19,254 |
19,403 |
47,080 |
244,52 |
1986 |
23,133 |
19,658 |
65,415 |
282,78 |
1987 |
20,061 |
21,494 |
83,311 |
415,29 |
1988 |
25,085 |
23,969 |
116,475 |
464,32 |
1989 |
38,584 |
33,935 |
147,270 |
381,69 |
1990 |
37,079 |
35,806 |
139,289 |
375,65 |
1991 |
42,820 |
38,601 |
170,242 |
397,58 |
1992 |
45,619 |
43,822 |
219,716 |
481,63 |
1993 |
49,933 |
46,491 |
258,973 |
518,64 |
Au-delà du renforcement de la dépendance économique, la politique macro-économique postcoloniale a généré dautres conséquences désastreuses pour la société burundaise.
- Il y a dabord la mauvaise gestion des entreprises publiques dont plusieurs ont dû être subventionnées à plusieurs reprises pour survivre car elles servent de points de chute aux cadres retraités du parti UPRONA et des forces armées. Une expertise publiée en 1993 faisait état de 16 entreprises publiques bonnes pour la liquidation (dont 11 déjà liquidées), 5 bonnes pour la réhabilitation et 18 bonnes pour la privatisation (dont 5 déjà privatisées).- Il y a ensuite létouffement de lesprit dinitiative dans toutes les couches sociales à lexception de la haute nomenclature politique et militaire. Lon se souvient à cet égard que dans le secteur privé, formel et informel, la natalité et surtout la survie des PME sont exceptionnelles ; tandis que dans le secteur coopératif, la situation est encore plus dramatique malgré les moyens alloués à sa promotion.
- Il y a enfin létouffement de la société civile non seulement par le biais dune utilisation abusive des prérogatives de lEtat en matière de sécurité publique mais aussi par le biais de son quasi monopole demploi sur le marché du travail. La moindre contestation politique se paie en effet très cher : emprisonnement, traitement inhumain, perte demploi, exil forcé et même perte de vie. "In Burundi, opposition is and has always been treated as a crime, a violation of national security. Instead of challenging the ideas of the opposition, the government often seeks to silence the leaders of the opposition by all means, including intimidation, forced exile or outright political assassination".
Ainsi, le rôle de lEtat dans le monde des entreprises est devenu intolérable. Dune part, lorientation irrationnelle des investissements est évidente. De laveu même du Ministre des Finances Gérard Niyibigira au printemps 1993, "on sest beaucoup endetté pour soi-disant développer lagriculture, mais on a plutôt créé des infrastructures qui réellement nont pas servi à la production agricole, puisque depuis, notre production agricole est restée la même. Donc, il y a eu effectivement des investissements irrationnels, par conséquent un endettement irrationnel". Dautre part, le pouvoir judiciaire, généralement en connivence avec le pouvoir exécutif, laisse aller les abus aussi bien contre les personnes physiques que contre les personnes morales des couches sociales modestes.
En dépit des promesses sans cesse renouvelées devant la Communauté internationale en matières des droits de lhomme, de la démocratie et de la bonne gouvernance, le major Pierre Buyoya ne se prive jamais de renforcer lethnisme et le régionalisme aussi bien dans ladministration publique que dans la gestion des grandes entreprises. Le tableau 8, extrait du journal "La Lumière" publié à Bujumbura le 20 janvier 2001, est très révélateur de la persistance implacable du régime Buyoya sur la voie de la dissipation des ressources du Burundi en faveur dune petite minorité ethnique et locale. Il apparaît en effet que sur 37 chefs des grandes entreprises publiques, 33 sont Tutsi contre 4 Hutu ; 22 sont de la province de Bururi, 3 de la province de Muramvya, 2 de la province de Mwaro, 2 de la province de Ruyigi, 2 de la province de Muyinga, 1 de la province de Gitega, 1 de la province de Bujumbura Rural, 1 de la province de Kayanza, 1 de la province de Makamba, 2 non clairement identifiés et 0 pour les 6 provinces restants.
Tableau 8. Répartition des chefs des grandes entreprises publiques du Burundi par ethnie et par province sous le régime Buyoya II (daprès le journal "La Lumière" n° 010 du 20 janvier 2001) | MENU
Entreprise publique |
Directeur général de lentreprise |
Formation ou ancienne fonction |
Ethnie |
Province dorigine |
OTRACO | Hamenyimana Méline | Directeur du Budget | Tutsi | Bururi |
RSA | Hajayandi Joseph | Pilote-mécanicien | Tutsi | Bururi |
ONATOUR | Mme Hamenyimana | Directrice au MFP | Tutsi | Bururi |
LNBTP | Birabisha Didace | .. | Tutsi | Bururi |
APEE | Bakanibona Joseph | Conseiller | Tutsi | Bururi |
REGIDESO | Niyongabo Philippe | Conseiller | Tutsi | Bururi |
ON TOURISME | Nimenya Nicodème | Directeur Général | Tutsi | Bururi |
COTEBU | Sindayihebura Célestin | ECODI | Tutsi | Bururi |
VERRUNDI | Simbarakiye Evariste | Ministre | Tutsi | Bururi |
CHU KAMENGE | Gikoro | Médecin | Tutsi | Bururi |
OTB | Nimubona Salvator | Directeur Général | Tutsi | Bururi |
MUTUELLE FP | Nkengurutse Auguste | Directeur PASA | Tutsi | Bururi |
INSS | Ndihokubwayo Léonce | Commandant ISCAM | Tutsi | Bururi |
UNIVERSITE | Niyongabo Térence | Professeur-Médecin | Tutsi | Bururi |
FPHU | Niyungeko Fidèle | Directeur de Cabinet | Tutsi | Bururi |
ONAPHA | Ntibateganya Nestor | .. | Tutsi | Bururi |
PAFE | Cishahayo Gaspard | Conseiller | Tutsi | Bururi |
EPB | Nteziriba Protais | Directeur | Tutsi | Bururi |
ONATEL | Ndabihore Augustin | Consultant | Tutsi | Mwaro |
SOSUMO | Barutwanayo Numérien | Douane | Tutsi | Ruyigi |
RN POSTES | Bambasi Pierre | Ministre | Hutu | Muyinga |
RPP | Bizongwako | .. | Tutsi | Ruyigi |
LONA | Nzeyimana Joseph | Ministre | Tutsi | Gitega |
OCIBU | Niyikiza Barthélémy | .. | Hutu | Kayanza |
CLINIQUE PLR | Nzeyimana Tharcisse | Médecin | Tutsi | Muramvya |
HPRC | .. | .. | Tutsi | .. |
AIR BURUNDI | Gatoto | Pilote | Tutsi | Muyinga |
ECOSAT | .. | .. | Tutsi | Bujumbura Rural |
COGERCO | Kabura François | .. | Tutsi | Makamba |
SCEP | Banyankiye | Secrétaire | Tutsi | Bujumbura ( ?) |
SOBUGEA | Sibomana Adrien | 1er Ministre | Hutu | Muramvya |
SODECO | Bayaganakandi Epitace | Ministre | Tutsi | Mwaro |
ARCT | Misigaro | Directeur Général | Tutsi | Bururi |
SETEMU | Girukwishaka V. | Directeur de Projet | Tutsi | Muramvya |
INSP | Docteur Martin | Médecin | Tutsi | Bururi |
ENS | Nditije Charles | Professeur | Hutu | Bururi |
ISCO | Makobero Barthélémy | Professeur | Tutsi | Bururi |
... donnée manquante
Pour sortir de lornière, il faut de toute évidence, dès le changement de régime politique à la fin du conflit actuel, instaurer un modèle de développement économique radicalement différent, notamment dans lequel le rôle économique de lEtat est limité au strict nécessaire. Ce modèle doit consacrer formellement la propriété privée des moyens de production, le marché comme moyen de régulation à travers le mécanisme dajustement de loffre et de la demande, ainsi que le principe déquité ou de justice sociale à travers une répartition juste et équitable du revenu national. Le souci fondamental doit être de développer une société prospère, capable de satisfaire avant tout ses besoins essentiels : alimentation, logement, éducation, santé, liberté et sécurité.
Moyennant les pouvoirs juridico-techniques dont lEtat dispose, son rôle ne consistera alors quà sécuriser les investissements et quà garantir les conventions sociales institutionnalisées dans le but dassurer constamment un environnement favorable au développement équitable dun secteur économique privé. Néanmoins, ses interventions ne disparaîtront pas complètement du paysage strictement économique du pays. LEtat sy préoccupera de la mise en place et de lentretien des grandes infrastructures. Et en vertu du principe de subsidiarité, il interviendra dans les secteurs et dans les régions où les investissements privés ont du mal ou rechignent à pénétrer. Ainsi, la liberté dentreprendre, la libre concurrence et la justice sociale seront toujours sauves.
NOTE:
...
[42] Afrique Business Magazine, Spécial Burundi, n° 6, juin/juillet 1993, p. 49.
[43] - Décret-loi n° 1/30 du 31 août 1992 portant création d’un régime de zone franche au Burundi, Afrique Business Magazine, Spécial Burundi, n° 6, juin/juillet 1993, pp. 106-111. - Afrique Business Magazine, Spécial Burundi, n° 6, juin/juillet 1993, p. 45.
[44] Afrique Business Magazine, Spécial Burundi, n° 6, juin/juillet 1993, p. 45.
[45] Thomas Laely, 1984, Le destin du Bushingantahe : transformation d’une structure locale d’autorité au Burundi, Genève, Revue Genève-Afrique, mars 1984, pp. 75-97.
[46] Jean Nzisabira, 1992, Participation populaire au processus de développement du Rwanda : les idées et les faits, Cahiers du CIDEP, Centre international de Formation et de Recherche en Population et Développement en association avec les Nations Unies, Louvain-la-Neuve, CIDEP et ARTEL, n° 13, pp. 65, 80 et 81.
[47] Ministère du Développement Rural, 1992, Le mouvement coopératif au Burundi de ses origines à la fin de 1991, Bujumbura, République du Burundi, Ministère du Développement Rural, Comité de promotion coopérative, p. 17.
[48] Ministère du Développement Rural, 1992, Op. cit., p. 4.
[49] Ministère du Développement Rural, 1992, Op. cit., p. 17.
[50] Ministère du Développement Rural, 1992, Op. cit., p. 6.
[51] Salvator Sunzu, 1994, ONG de développement au Burundi : essai d’analyse de leur modèle de participation des bénéficaires, Louvain-la-Neuve, Université Catholique de Louvain, FOPES, Mémoire de licence, p. 3.
[52] Ministère du Développement Rural, 1992, Op. cit., p. 34.
[53] - Pontien Nimpagaritse, 1991, Les ONG et le développement local : le cas d’Action Aid-Burundi, Bujumbura, Université du Burundi, Faculté des Sciences Economiques et Administratives, Mémoire de licence, septembre 1991, 150 p. + annexes.
- Vianney Nikukiye, 1992, Les stratégies de développement de l’ONG de Butezi et leurs effets sur le milieu rural: une approche analytique d’une alternative du développement intégré, Bujumbura, Université du Burundi, Faculté des Sciences Economiques et Administratives, Mémoire de licence, février 1992, 137 p. + annexes.
[54] Andreas Tewinkel, 1990, La situation et l’avenir des coopératives au Burundi : trentes hypothèses et propositions, Fondation Konrad Adenauer, Projet "Coopératives rurales du Burundi", Gitega, octobre 1990, annexe 7.
[55]
Andreas Tewinkel, 1990, Op. cit., n° 16, 17, 18, 19 et 20.
[56]
Jean-Claude Willame, 1992, Les
manipulations du développement : ajustement, cogestion et démocratisation
au Burundi, Bruxelles, Centre d’étude et de documentation africaines (CEDAF),
Cahier 5/1992, Série 1, p. 101.
[57] Jean Nzisabira, 1997, Gaspillage technologique, récession économique, expansion de la pauvreté et dégradation de l’environnement au Zaïre, Maastricht, The United Nations University, Institute for New Technologies, pp. 121, 122 et 123.
[58] Afrique Business Magazine, Spécial Burundi, n° 6, juin/juillet 1993, p. 54.
[59]
Léonce Ndikumana, 2000, Towards a solution to violence in Burundi : a case
for political and economic liberalisation, Cambridge University Press, The
Journal of Modern African Studies, Vol. 38, n° 3, p. 442.
[60] Afrique Business Magazine, Spécial Burundi, n° 6, juin/juillet 1993, p. 52.
[61] Le journal "La Lumière", n° 010, 20 janvier 2001 ; cité par ICG (International Crisis Group), Burundi : sortir de l’impasse, l’urgence d’un nouveau cadre des négociations, Bruxelles/Nairobi, Rapport Afrique n° 29, 14 mai 2001, appendice A.
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